L'effet papillon, de Jussi Adler-Olsen
L'effet papillon
Jussi Adler-Olsen
Éditions Albin Michel / 2015 (français)
727 pages (poche)
On ne change pas une équipe qui gagne! C'est pour cette raison que nous retrouvons le détestable et arrogant Carl Mørck (qu'on aime tout de même), la très spéciale secrétaire Rose et bien entendu le perspicace Syrien Hafez El Assad, qui est passé - à travers les romans - d'homme de ménage à précieux collaborateur. Toute cette équipe - pour celles et ceux qui ne le savent pas encore! - est en charge des affaires classées, respectivement des enquêtes désormais oubliées qui n'ont rien donné. C'est le département V.
2008. L'introduction nous dépose en Afrique centrale, au Cameroun. Nous sommes plus précisément dans une tribu de Pygmées, les Bakas, au milieu de la jungle Dja. Parmi eux, Louis, un Camerounais qui est l'élément local d'une aide au développement organisée par le Danemark. Les événements vont rapidement tourner au vinaigre et un SMS envoyé in extremis réussira à quitter le continent.
C'est en nous déplaçant au Danemark que nous pourrons déjà plus ou moins comprendre ce qui se trame dans cette histoire. Quelques mots clés: programmes d'aide humanitaire, banques, problèmes financiers, crise, corruption ou encore soif d'argent.
Nous serons alors confrontés à un enchaînement qui donne la gerbe, un engrenage qui ne finira pas de tourner et de coincer des gens honnêtes dans ses roues dentées. L'auteur met en scène de grosses merdes pleines de fric qui écrasent tout sur leur passage, en usant de leurs pouvoirs, de leurs moyens et surtout de leur manque d'empathie. Des requins qui se bouffent entre eux pour sauver leur honneur et leur argent. Autrement dit: ils se tiennent par les couilles.
Au sein du ministère danois des Affaires étrangères qui s'occupe des fonds humanitaires, beaucoup de questions vont naître et, surtout, gêner. Un homme, intègre et clairvoyant, va frapper assez fort dans la fourmilière pour faire bouger les choses.
Ce qui est intéressant avec les romans de Jussi Adler-Olsen, c'est qu'il y a souvent, - autour de l'intrigue principale -, des faits "secondaires" liés à la société danoise. Je citerais ici comme exemple la vie insurmontable d'enfants gitans vivant en communauté à Copenhague: une mafia aux processus bien rodés.
Nous suivrons Marco, un gitan de 15 ans, qui a décidé de fausser compagnie à son clan de la mort dirigé par un tortionnaire sans scrupule, son oncle Zola. La vie de Marco est désormais en sursis, on ne quitte pas le clan comme ça. De plus, ce garçon sera mêlé, malgré lui, à une autre affaire qui sera déterrée - c'est le cas de le dire - par un concours de circonstances...
En effet, en référence au titre de ce bouquin, une succession d'événements va immanquablement engendrer une autre série d'événements, et peut-être même encore d'autres provoqués par ces derniers. L'effet papillon est là.
Nous allons énormément courir dans cette histoire, dans les sillons fraîchement creusés par les pas du jeune Marco. Ce récit est une fuite, une longue et difficile débandade, un sauve-qui-peut stressant et interminable. Nous serons sans cesse collés aux basques de Marco, sans toutefois pouvoir l'aider.
Jussi Adler-Olsen nous transbahute entre l'Afrique et les nombreuses rues de Copenhague. Son récit est très fluide et, du coup, on ne perd pas trop de temps. Le rythme est rapide et garde constamment pas mal d'énergie pour y fournir une bonne tension. C'est souvent le cas avec ses intrigues qui fonctionnent plutôt bien.
Carl Mørck va bien entendu être mêlé à cette avalanche d'événements. Un personnage que nous côtoierons dans son job mais aussi, comme d'habitude, dans sa vie privée. Un homme à mille visages, aussi froid et antipathique que bon, avenant et sensible. Côté privé, il devra se mesurer à quelques épreuves pas vraiment agréables.
L'auteur ne se précipite pas pour nous raconter son histoire. C'est très détaillé, ce qui a parfois tendance à m'ennuyer au bout d'un moment. En effet, le jeu du chat et de la souris a tendance ici à s'étaler. Mais j'y trouve tout de même mon compte, en appréciant tout ce que Jussi Adler-Olsen peut nous rapporter sur son environnement: lieux, atmosphère, mode de vie ou encore les tendances sociales ou politiques de Copenhague, voire du Danemark en général.
Autre fait appréciable, la subtilité des échanges et interactions entre les personnages. Sur ce point-là, l'auteur n'est plus à ses coups d'essai, c'est à chaque fois un grand moment de lecture!
Assad, le collaborateur de Carl Mørck, est un personnage fascinant. Le genre de type qui, aux premiers abords, ne "ressemble à rien" mais qui est doté d'une puissante perspicacité.
Des sujets sensibles, voire inquiétants, seront abordés dans cette histoire. Des jeunes Africains programmés pour tuer, en passant par les réseaux mafieux utilisant des enfants, ou encore les escroqueries douteuses et scandaleuses de personnes bien "respectables", nous aurons de quoi nous occuper.
Sans oublier notre flic Carl Mørck qui est confronté ici à de multiples angoisses liées à son intimité, mais aussi à ses conditions de travail. Dans la police, on n'a pas toujours les collègues ou les chefs qu'on mérite. On vaut peut-être parfois un peu mieux que ça. Cela sera le cas de notre héros danois!
L'auteur nous conduit vers un dénouement assez conventionnel, sans trop de grosses surprises. L'attrait et la qualité du roman se mesurent, pour moi, par la diversité du contexte, l'épaisseur de l'atmosphère et, surtout, la qualité des personnages.
Bonne lecture.