Comme des rats, Patrick Rambaud

Publié le par Pascal K.

Comme des rats
Patrick Rambaud

Éditions Grasset / 1980
177 pages

L’auteur nous "abaisse" ici carrément au rang de rat, à leur niveau, à leur hauteur et face à leur malheur. L’homme en devient l’animal et les rats nos compatriotes. Nos semblables ? L’auteur leur donne même un prénom, pour dire comme nous devenons proches !

1969. Nous sommes aux Halles, à Paris, lors de leur fermeture définitive. Les carcasses de viandes, notamment, disparaissent pour être déménagées vers la banlieue, à Rungis.

Branle-bas de combat pour ces rats, comme pour nous. Eh oui, nous sommes à leur niveau ! Et quels rats ! Pourtant pas si avares en vicissitudes ... Aucun ras-le-bol, on observe, on apprend, on s’adapte. Instinct.

En suivant cette trame, nous ne pouvons pas nous empêcher - c’est du moins mon cas - de faire un parallèle avec l’homme. Quels sont nos besoins primaires ? N’est-ce pas se nourrir, se protéger, dormir, défendre, survivre et procréer ? Eh bien là c’est pareil, mais en bien plus primaire, évidemment !

Une vie de rats d’égout - dégoût ? - par procuration, voilà ce que nous propose l’auteur. Une sorte de suspense demeure là chaque minute, voire chaque seconde. Oui, car la vie d’un rat est stressante - trouver à bouffer - et est remplie de dangers.

Afin de ne pas être faits comme des rats, il faut étudier son environnement pour éviter les nombreux pièges tendus - volontairement ou non - par l’homme ou par la nature, souvent hostile. Mais un rat reste tout de même un peu con et quand il doit bouffer, il doit bouffer. 

Gros dilemme pour ces estomacs sur pattes. Ce sont les hommes, qui représentent le principal danger, qui fournissent - involontairement - de quoi se sustenter. Gros piège à cons, justement ...

Ça se lit vite, ça se lit bien, c’est l’ambiance de la rue, mais vue par des rats ! Vous aurez même droit à des orgies aux multiples acteurs et actrices car, oui, les rats se reproduisent, besoin primaire oblige !

La vie est un combat de tous les jours, sans répit, du moins une vie de rat. Il faut faire sa place, ses preuves et surtout montrer qu’on est fort et qu’on peut ramener autre chose que du papier de chiotte ou une vulgaire semelle mouillée ! Chaque jour est une épreuve, chaque jour est un combat. Similaire à notre vie d’homme ?

Qui dit ambiance de rue, dit territoires à conquérir. Là, c’est carrément la guerre civile. Stratégies, attaques surprises, flanc-garde, affronts et retraites: c’est un champ de bataille à la puissance mille au niveau de la violence. Coups de crocs, arrachages de membres, vidages de boyaux, dégustation de l’adversaire, quand ce n’est pas le coéquipier. Sommes-nous plus ou moins pareils ? Non ? Sérieusement ...

Bref ! Ce récit est pertinent dans le sens où nous pouvons nous mettre dans la peau insignifiante d’un rat le temps d’une histoire. C’est bien raconté, avec rythme, ça s’enchaîne et ça ne manque pas de piquant. Tout ce qui bouge sur cette terre, que cela soit provoqué par la nature, l’homme ou un autre animal, devient un danger potentiel, au mieux une source d’intérêt.

C’est original, il faut bien l’admettre ! C’est même violent, mais une violence étrange, surréaliste. Je dirais même que c’est assez cru, finalement, une vie de rat.

Ce récit se lit d’une traite, le temps de passer une heure ou deux dans la peau d’un rat d’égout ! Une façon originale de s’instruire sur cette espèce qui est, me semble-t-il, plutôt méconnue. À juste titre ? Peut-être. Car il faut admettre que cet animal n’est pas vraiment sociable ! Mais il peut être domestiqué, avis aux amateurs.

Bonne lecture.

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