A plat, de Jean Chauma --- Philosophie du passage à l'acte!
À plat
Jean Chauma
Editions BSN Press / 2015
129 pages
Récit atypique, sec, nerveux, se déroulant dans une atmosphère noire et populaire, avec pour acteurs des voyous en costard. L’histoire se déroule très rapidement, mais avec une certaine lenteur. J’aime assez cette torsion rythmique.
Jean - le personnage principal, pas l’auteur, quoique... -, natif de la banlieue de Paris, vivant avec sa copine et ses trois belles-filles, est un homme renvoyant l’image d’une sale brute épaisse.
Cet homme a plus ou moins ce qu’il faut pour être heureux, mais il ne l’est pas vraiment. Pourquoi ? Pourquoi pas... C’est comme ça, pas vraiment de raison. Parfois, le bonheur est là, mais encore faut-il l’apercevoir, l’aborder et se l’accaparer. L’accepter ?
En fait, il s’en fout un peu. Le principal est d’être là, point barre. Dormir, se lever, bander, baiser, manger, dormir. C’est très physiologique ! Un homme, c’est fort, ça bande et ça baise. Une femme, ça fait des enfants. Il ne faut pas aller chercher plus loin. D’ailleurs, concernant ce dernier point, ce n’est pas vraiment son genre ! En est-il même capable ?
Jean Chauma nous décrit le portrait d’un homme banal, trop banal, presque animal. Les scènes, souvent salaces et graveleuses, sont d’une vitalité déconcertante. L’auteur nous raconte la vie quotidienne d’un homme qui vit sa vie presque sans la maîtriser. En effet, son corps, ses sens, son intuition et sa bite le font très bien à sa place ! Ce qu’il maîtrise, par contre, ce sont les braquages.
Le récit est si surprenant, subtil et quasi impersonnel qu’il est presque impossible de dire si ce mec est bien ou non. C’est très ambigu ! Le rythme est encore plus surprenant : c’est lent mais absorbant. Dur d’expliquer. Par exemple, en 70 pages, Jean, qui vient de quitter son appartement, est pour l’instant juste allé au bistrot. Mais l’auteur a une manière d’expliquer les choses qui donne une sacrée consistance à ce récit. On attend la suite, évidemment.
C’est noir, démoralisant et assez pessimiste mais, paradoxalement, nous suivons un gars qui aborde la vie comme elle vient, simplement, et pas l’inverse. La routine semble même être sa meilleure alliée. Finalement, les choses paraissent simples et compliquées. Encore une fois, c’est dur à définir.
Les dialogues sont intéressants, les personnes que nous croisons par l’intermédiaire de Jean sont passionnants et les lieux que nous fréquentons sont troublants. Cette histoire est une descente dans les rues de Paris version voyous ! Des contacts, des conversations, de la routine. L’auteur suscite notre intérêt avec de la simple routine.
Ce qui est fascinant dans cette histoire, c’est d’entendre cet homme nous livrer le déroulement d’un avant-braquage, sur une journée, uniquement par son comportement, ses pensées, ses contacts ou encore par sa façon d’appréhender la vie, tout simplement. Une philosophie sur le passage à l’acte.
Le dénouement donne l’effet d’un bon coup de poing - un uppercut bien placé - qui nous surprend et nous étourdit. Touchant.
A lire, c’est sûr.
Bonne lecture.