Les temps sauvages, de Ian Manook
Les temps sauvages
Ian Manook
Éditions Albin Michel / 2015
574 pages
L’année passée, au mois de juin, je découvrais l’écriture de Ian Manook avec « Yeruldelgger ». J’avais qualifié ce bouquin de heurtant, déstabilisant, violent, dur, émouvant, profond, dépaysant, brillant et rythmé. J’ai également été sidéré par la qualité des personnages évoluant dans ce polar, notamment par leur caractère ou encore leur force.
Soit, c’était alors évident pour moi de retourner en Mongolie pour découvrir la suite des aventures du commissaire Yeruldelgger de la police d’Oulan-Bator ! Celui-ci est donc le 2ème tome de la trilogie.
Yeruldelgger. J’adore ce flic: intègre, juste et surtout incorruptible. Mais c’est aussi un homme qui cultive une hargne et une rage hors normes, qui le poussent constamment en avant pour étancher sa soif de justice. Un homme cassé, au dur passé, qui a décidé d’aller de l’avant, sans jamais s’arrêter. Incorruptible, c’est vrai, mais qui préfère écouter « son instinct primaire » d’homme juste plutôt que de suivre les méthodes que nous apprenons dans les écoles de police. C’est un choix à assumer… Ni bon, ni mauvais.
Après les Américains Charles Bronson ou Liam Neeson, nous avons ici le justicier mongol Yeruldelgger!
Dans cette histoire, tout va aller très vite, dès le départ. Mais, d’abord, faisons un arrêt sur image. Ce qui nous charmera avant tout, c’est le décor, le climat, l’atmosphère et le paysage. Le pays ! Nous sommes en Mongolie, l’hiver est extrêmement rigoureux - c’est le dzüüd -, la tempête donne tout ce qu’elle peut cracher. Par - 35 degrés, nous marcherons péniblement contre le vent, avec les os qui se cristallisent, qui se transforment en glace.
Oui, en fournissant tous ces détails sur le climat et le décor qui nous accueillent, je tiens à faire ressortir le fait que l’auteur nous donne une sacrée bonne leçon d’écriture. Le personnage central sera donc pour moi ce pays d’Asie situé entre la Russie et la Chine : la Mongolie. C’est prenant !
Un pays rempli d’histoires et de croyances, avec des hommes et des femmes vrais et simples, dans l’ensemble, mais aussi plein de paradoxes : un pays caniculaire et frigorifique, aussi pauvre que riche (pas dans le même sens), ou encore aussi sain, propre et ensoleillé (steppes, montagnes, déserts) que pollué comme jamais (Oulan Bator, la capitale). Et bien sûr Yeruldelgger, un paradoxe à lui tout seul.
L’auteur enrichira également nos connaissances culinaires ! Là encore, un gros paradoxe : c’est aussi succulent et riche (pour les Mongols) qu’extrêmement repoussant (pour moi !!).
On retrouvera évidemment Yeruldelgger et les personnages qui gravitent autour de lui. J’ai mentionné avant que tout allait très vite car, après quelques pages tournées, nous aurons déjà un cavalier, au milieu d’un désert de glace, mort sur sa monture, elle-même brisée en deux. Mais aussi un corps déchiqueté dans les montagnes, ou encore une femme assassinée dans une chambre d’hôtel. L’identité du suspect alimentera notre curiosité et finira par nourrir notre intérêt qui deviendra, pour ma part, non négligeable !
L’intrigue va avoir encore un peu plus de saveur lorsque les services secrets de l’Etat, notamment, vont entrer en scène. Pour nous, lecteurs, la situation va devenir de plus en plus trouble, troublante, mais également pour l’inspecteur Yeruldelgger. Des affaires de la criminelle croisant celles de la sécurité de l’Etat vont déclencher des doutes, beaucoup de méfiances, un peu d’incompréhension et pas mal de suspicion dans les deux « camps ». C’est subtil, bien amené et surtout crédible ; bravo Ian Manook.
Cette enquête nous conduira également au Havre, en France, commune dans laquelle une partie d’un réseau criminel international semble être en place : la vie de nombreux enfants est en jeu.
Et lorsque la vie d’enfants est en jeu, surtout un, Yeruldelgger bascule, s’isole, se transforme en rouleau compresseur et ne répond plus de rien. Le policier laissera donc la place au justicier, à un homme qui n’a de tout manière plus grand-chose à perdre.
C’est vers la Sibérie et quelques villes austères et dangereuses de la Russie, très proches de la Chine et de la Mongolie, que nous nous dirigerons pour le suivre à la trace. Son enquête, il va la faire plus ou moins en solo car, d’une part, il ne veut mettre personne d’autre en danger et, d’autre part, c’est sa façon de fonctionner.
Je ne veux rien dévoiler sur l’issue de cette histoire, mais il faut retenir que la haine peut être un sentiment fort et immuable.