"Mör", de Johana Gustawsson
Mör
Johana Gustawsson
Éditions Bragelonne / 2017
309 pages
Sortie: 15 mars 2017
Cette charmante auteure s'est fait connaître - et reconnaître! - avec son thriller "Block 46", dont la trame s'inspire de faits nettement moins charmants! C'est avec une écriture sans détour, - franche! -, dure, brute et froide qu'elle nous présentait un scénario ô combien inhumain, nourri de désespoir et d'atrocités perpétrées dans les camps de la mort.
Ici, Johana Gustawsson nous emmènera dans quelques villes de Suède, à Londres, mais aussi dans le passé, dans le Londres de la fin du XIXème siècle, plus précisément dans le district surpeuplé et peu sûr de Whitechapel. Cela vous évoque-t-il quelque chose? Un mythe, une légende - ou pas -, voire même un tournant dans l'enquête criminelle ou encore dans la couverture médiatique d'un fait divers!
L'auteure nous donnera la possibilité de nous enfouir dans l'ambiance sale, pauvre, alcoolisée, violente et, j'aurais même envie de dire, totalement insane de ce quartier de Londres où sévissait un tueur en série tristement célèbre. L'auteure trouve le bon ton et les bons mots pour nous immerger complètement dans cette débauche totale, où la vermine - dans tous les sens du terme - nous accueille les bras grand ouverts pour nous emmener, avec un plaisir malsain et pervers, dans les bas-fonds de ce secteur pourri où règne une pauvreté à l'état brut.
Cela sera une partie de l'ambiance...
Halmstad, en Suède. Karla Hansen est mère de famille et détective à la police criminelle. Ce jeudi 16 juillet 2015, ce n'est pas avec son mari et ses deux filles qu'elle ira se promener au bord du lac, mais avec ses collègues. Le cadavre d'une femme a été découvert au bord du lac, assassinée et amputée de plusieurs morceaux de chair, ôtés à des endroits "stratégiques" de son corps.
Londres, le lendemain. Une actrice de cinéma a été enlevée. Ses chaussures sont retrouvées à proximité du domicile, dans un sac de congélation.
Problème; ces modes opératoires ne sont de loin pas inconnus des enquêteurs: il s'agit de la signature d'un homme qui est enfermé depuis 10 ans dans un hôpital psychiatrique de haute sécurité, pour le meurtre de plusieurs femmes.
Dès lors, toute l'enquête est remise en question et doit être revue minutieusement pour que les enquêteurs puissent y trouver une logique en fonction de ces nouveaux événements. Trouver une logique, une explication cartésienne, un raisonnement plausible: le flou va immanquablement l'emporter sur une netteté pourtant bienvenue.
Dans le cadre de cette enquête, nous rencontrons la profileuse Emily Roy, personnage que nous avons déjà eu l'occasion de suivre - en courant très vite derrière! - dans "Block 46". Cette femme au tempérament de feu, froide, qui ne perd pas de temps avec les convenances et autres détails superflus, ne tardera pas à se mettre en chasse.
J'avoue être heureux de la retrouver! Après avoir tourné la dernière page de "Block 46", j'étais justement déçu de ne pas avoir eu plus de détails sur ce personnage fascinant. Croyez-moi, Emily Roy vaut le détour! Manipulatrice, "rentre-dedans", instinctive, clairvoyante, c'est avec ces qualités innées qu'elle cherchera, creusera, dérangera (!!) et trouvera, peut-être...
Cette femme sèche, coriace et peu sociable aura l'occasion ici de se retrouver face à une personne qui, bien malgré elle, aura un sérieux répondant: une jeune stagiaire atteinte du syndrome d'Asperger. Excellent face à face, ou plutôt excellente collaboration!
L'écrivaine Alexis Castells, très intéressée par le milieu des tueurs en série, - par dépit! -, sera également de la partie. Vous la connaissez aussi si vous avez lu "Block 46". Le meurtre qui vient d'être commis en Suède et l'enlèvement perpétré à Londres la lient méchamment au passé, un passé douloureux. Alexis Castells doit absolument colmater une brèche.
L'enjeu, évidemment, sera de découvrir comment des événements attribués à un assassin enfermé depuis 10 ans peuvent ressurgir aujourd'hui.
Et n'oublions pas ces flash-back qui nous ramènent sans cesse à la fin du XIXème siècle, début XXème, sur les traces de Jack l'Eventreur... Quel est donc ce lien impossible qui nous tire continuellement en arrière? Johana Gustawsson va clairement nous aiguiller!
Le récit est dur. Gardant la même ligne que pour son précédent roman, Johana Gustawsson ne nous épargne pas grand-chose. Je retiendrai les scènes de captivité, principalement, qui sont assez pénibles. Mais peut-être aussi les mœurs singulières d'une "famille" particulière... En y repensant, je dois admettre que c'est assez salace. Vous apprécierez! L'auteure a mis les bouchées doubles pour nous entraîner dans une perversion redoutable où le vice est maître.
Dans quelle partie de son être va-t-elle chercher des ingrédients aussi noirs, licencieux et malsains pour nous élaborer des histoires aussi cyniques et immorales?
Le dénouement nous apporte son lot de rebondissements. Le lecteur aura droit à toutes les explications, ces dernières se transformant immédiatement en puissantes surprises. Un conseil, méfiez-vous! Mais même en étant vigilants, vous allez vous faire ... avoir. Il faut dire que l'auteure ne nous donne pas beaucoup d'éléments pour nous mettre sur la bonne voie, même pas du tout en fait!
Johana Gustawsson nous offre un final écœurant, déroutant, mais aussi très subtil et implacable. Au niveau des personnages, elle nous envoie un joli coup de bluff au visage, sans aucun ralentisseur. Cela, vous apprécierez aussi.
Au terme du premier thriller, "Block 46", je voulais en savoir plus sur Emily Roy, c'est fait! À présent, je voudrais en savoir davantage sur un autre personnage...
Bonne lecture.