"Abattez les grands arbres", de Christophe Guillaumot
Abattez les grands arbres
Christophe Guillaumot
Editions Cairn - collection Du Noir au Sud / 2015
372 pages
Sur la 1ère page, l'éditeur nous explique que la collection "Du Noir au Sud" nous transporte dans le Sud, ses villes, ses villages, à la découverte des habitants, de leurs traditions, leurs secrets, tout ceci avec crime et intrigue. Un beau challenge pour l'auteur!
C'est un aspect qui me plaît énormément, qui me motive à découvrir ce roman, mais encore faut-il que l'auteur honore cet aspect pas si évident à réaliser!
Bon alors, comment dire... A ce niveau-là, je dois admettre que je n'y ai pas trouvé mon compte. Au niveau secrets et traditions par rapport à la région, il me semble qu'il n'y a pas grand-chose de percutant. Par contre, si je fais abstraction de cela, j'ai vraiment pris mon pied. Belle intrigue!
L'entrée en matière me plaît énormément car l'auteur se focalise sur un personnage, et pas des moindre! Renato Donatelli, un grand black tout en muscles, est flic à Toulouse. Par contrainte, il a dû quitter son île, la Nouvelle-Calédonie, il y a déjà quelques années. Son rêve est d'y retourner un jour, mais sa hiérarchie s'y oppose. Renato, dit le Kanak, est un flic droit, honnête, serviable, qui est comme cela car il y croit vraiment! C'est inné, c'est dans sa plus profonde nature.
Pour lui, il n'y a pas de "petits boulots": toute personne qui commet un délit ou un crime doit être livrée à la justice. Le Kanak donne de temps en temps quelques claques, de bon cœur, à dévisser une tête, mais il laisse toujours le choix avant de les administrer aux délinquants. En gros, sympa, mais il ne faut pas le chercher non plus. J'adore ce type!
Durant l'introduction, nous allons découvrir deux choses majeures. La première, c'est que nous avons à faire à une vraie bande de ripoux, notamment au sein des stups. La seconde chose que nous allons découvrir, en même temps que le Kanak, c'est un couple africain assassiné, démembré, éventré, dans son appartement crépi d'hémoglobine. Un jeune enfant en couche-culotte, présent, a été épargné.
Le Kanak, ayant encore une qualité supplémentaire, soit l'utilisation de ses neurones à bons escient, va se donner le devoir de résoudre l'enquête sur ce massacre. Il en fait son affaire, c'est lui qui a tout vu, c'est lui qui a subi cette vision d'horreur, donc c'est à lui de trouver ce qu'il s'est passé. Notre gardien de la Paix ne réfléchit pas plus loin, c'est une évidence pour lui.
Mais, bien évidemment, ce n'est pas vraiment dans ses compétences. Il va devoir donc œuvrer un peu à contre-courant. Mais le Kayak, de toute manière, il s'en fout un peu: c'est le résultat qui compte.
En solo, ou presque, son début d'enquête va le conduire vers le passé, vers un événement vieux de plus de 20 ans: le génocide au Rwanda. 800´000 morts. Vengeance?
A voir l'intérêt qu'il va susciter auprès des services de renseignements, nous pouvons partir du principe que le Kanak se dirige dans la bonne direction et, surtout, qu'il devient gênant.
Au cours de cette intrigue, l'auteur nous place en équilibre au milieu d'une balance et nous avons le pied qui dérape sans arrêt d'un côté comme de l'autre. Victimes, bourreaux, ou inversement, cela devient difficile de juger. D'un point de vue éthique, Christophe Guillaumot nous donne un exemple concret vis à vis duquel la justice des hommes atteindrait presque ses limites. Qui sommes-nous, finalement, pour pouvoir prétendre être capable de juger d'une manière implacable, "juste" et neutre? Et, surtout, juste par rapport à quoi?
Question difficile je vous l'assure.
Le personnage du Kanak, qui se situe au centre de cette intrigue, va s'avérer être très intéressant car il s'agit d'un homme qui a la justice dans les yeux et dans l'âme et qui, pourtant, va être tourmenté par cet aspect de "rendre justice".
L'intrigue, qui est pourtant bien rendue, n'est pas pour moi l'élément phare du roman. A mon sens, ce sont avant tout les personnages, le style d'écriture et les scènes, très justes et fidèles au niveau police, qui m'ont vraiment séduits.
L'auteur place également au centre de son intrigue plusieurs problèmes internes, à savoir la "cohabitation" entre les divers services de police et de renseignements. C'est une guerre qui n'est pas gagnée d'avance pour chacun d'entre eux!
Et, pour conclure, la grande question concernant cette histoire restera pour moi la suivante: où se situe la barrière entre justice et vengeance? Qu'est-ce qui est le plus juste à appliquer, parfois, pour que justice soit rendue? La vengeance? À méditer...
Mais, de toute manière, l'auteur ira encore un petit peu plus loin dans l'intrigue et le problème ne sera plus vraiment de savoir si nous avons à faire à de la vengeance ou de la justice. Nous parlerons plutôt du fait d'atténuer les braises, écraser le passé, effacer et gommer une partie de sa vie.
Parfois vous pouvez frotter pendant des heures avec une brosse à chiotte, il restera toujours une merde qui refera surface un jour ou l'autre. (Houla désolé mais c'est tellement ça!)
Bonne lecture.