Les sept jours du talion, de Patrick Senécal --- La balance de la justice se renverse et se brise!

Les sept jours du talion
Patrick Senécal
Fleuve noir Editions / 2018
358 pages
Sortie 15 novembre 2018
Cette histoire va vous donner la migraine et jouer méchamment avec vos nerfs, mais aussi avec votre conscience ! Normalement, vous allez être tiraillé à gauche et à droite, plusieurs fois de suite. Le traumatisme sera au centre de tout, mais aussi le sens que nous donnons à nos actes.
« La loi du talion », vous connaissez certainement cette très ancienne loi ! Œil pour œil, dent pour dent. Je te condamne de la même façon que tu m’as condamné.
Nous sommes en plein dedans ! Voire davantage. J’espère que vous avez les tripes bien accrochées.
Pour bien nous enfoncer et nous allier à une cause bien précise, l’auteur nous plonge dans une profonde douleur. Il nous prépare, nous conditionne et nous influence pour que nous n’ayons plus la possibilité d’être totalement maîtres de nos émotions. Nous allons partager une douleur - du moins si vous êtes normalement constitués ! -, la vivre et même nous l’accaparer.
Pour tout ce qui va se passer ensuite, en ce qui me concerne, je vais me mettre à la place du personnage principal et me poser sans arrêt la même question : « Et moi, je ferais quoi... ? ». Bordel ...
Il n’y a pas mille manières d’expliquer la situation : l’homme en question est chirurgien, en couple, père d’une petite fille de 7 ans. Cette petite sera retrouvée par la police dans un champ, sur le trajet de l’école, violée, massacrée, étranglée.
Ce père, qui n’arrivera plus à évacuer sa douleur, va réussir à s’emparer de l’auteur des faits, lors de l’enquête préliminaire, et va le séquestrer.
... Et moi, je ferais quoi ensuite ?!
On ne va évidemment pas parler de moi, mais de cet homme, et c’est absolument sidérant. Changement de comportement, de caractère, je dirais même changement de personnalité. La douleur peut créer des choses surprenantes !
Pendant sept jours, l’assassin restera à la merci du père de sa victime, dans un chalet situé dans un coin isolé. Je me pose toujours et encore la même question ...
Psychologiquement parlant, c’est très intéressant. Car, évidemment, il y aura une bonne part d’ambiguïté dans tout ça et, du coup, cela ne sera pas si évident. Le lecteur ne pourra pas éviter de se poser quelques questions sur la justice, ce qu’elle vaut, ce qu’elle permet d’évacuer au niveau psychique ou alors tout simplement se demander si la justice est juste.
Justice ou justicier ? Comment répondre d’une manière cohérente à ce dilemme. Quoiqu’il en soit, une course contre la montre va évidemment se dérouler entre notre père de famille et la police. L’auteur nous offrira une enquête bien détaillée, mais surtout une enquête éclair. Le temps est plus que compté pour sauver un homme, voire deux hommes...
Patrick Senécal, fidèle à lui-même, nous plonge la tête dans l’immondice, en nous tenant fermement par les cheveux. Je vous ai conseillé de vous y plonger si vous avez les tripes bien accrochées, mais il en va de même pour votre pauvre cœur. L’auteur a de l’imagination lorsqu’il s’agit de parler de torture. Imaginez ce qu’un chirurgien en perdition est capable de vous faire subir ...
Mais la torture sera surtout présente dans votre tête, dans votre conscience. La notion de justice, pourtant concrète et règlementée - du moins par chez nous ! -, va devenir de plus en plus malléable et interprétable.
C’est quoi la justice ?? Cette question n’est pas si anodine.
Tout est une histoire d’équilibre. Le symbole de la justice représente en effet une balance. Sur celle-ci, vous mettez ce que vous avez besoin, ce que vous attendez, ce qui vous soulage, ce qui vous pèse, ce que vous trouvez juste - à vos yeux -, ce que vous trouvez aberrant. Vous placez également votre haine, vos douleurs, votre satisfaction, vos attentes, les conséquences de vos actes, ce que ça rapporte, et encore bien d’autres choses. Cette balance ne se penchera pas pour tout le monde du même côté, c’est vrai.
Au final, l’auteur nous donne une belle leçon de morale, qui traite de conflits personnels, d’actes utiles ou non - dans le sens large du terme - et, surtout, le sens que nous donnons à ces actes.
Le dénouement est subtil, touchant et, d’une certaine manière, logique. Ou non... Tout est relatif !
Bonne lecture.