Vices, de Gipsy Paladini --- La violence et la peur enfouies dans l'âme

Publié le par Paco

Vices
Gipsy Paladini

Éditions Fleuve noir/2017
398 pages

Gipsy Paladini nous sert ici un concept original et audacieux : nous aurons entre les mains l’équivalent de deux séries, donc deux histoires bien glauques et noires. Deux épisodes - oui comme à la TV ! -, avec des personnages « forts » et bien présents - dans ma tête pour encore longtemps.

Les histoires sont indépendantes, mais les mêmes personnages vivent à plein régime du début jusqu’à la fin... 

L’intro, classique, fait froid dans le dos. Dès les premières pages, le lecteur saura déjà qu’il va être confronté aux fissures qui apparaissent à force de s’acharner sur l’innocence.

En parlant d’innocence, nous allons rencontrer Marie. Pas qu’elle soit innocente, non, peut-être insouciante, mais elle œuvre au sein de la Brigade des Jeunes Victimes (BJV) qui traite de la violence liée aux enfants ou jeunes adultes. La violence dans tous ses états.

Marie est chimérique, une idéaliste qui rêve de justice. Mais la réalité lui permettra-t-elle d’assouvir son besoin de protéger les plus faibles ? La jeune lieutenante va en avoir le cœur net en débarquant dans cette brigade et en étant confrontée, peut-être, par la même occasion, aux joies de la désillusion.

Ce personnage est épatant : fragile et fort à la fois. Un rapace dans un corps de moineau qui chante comme un corbeau. Lorsqu’elle s’adresse à vous, le sol se rapproche tellement vite que vous finissez le cul parterre sans avoir eu le temps d’ouvrir la bouche. La pertinence de ses mots est deux fois plus efficace qu’un haussement de voix.

Mais son côté fragile, additionné à son inexpérience, remontera parfois à la surface. Normal, c’est assez humain !

L’auteur nous emmènera au sein de cette brigade aux affaires sensibles, difficiles, qui ne font de loin pas la « Une » des journaux. Peut-être juste la place à de malheureux faits divers. Et pourtant... Comme le dit si bien « Tala », le chef de cette unité, il faut traiter le problème à la base. Et la base c’est quoi ? C’est le ou la jeune qu’on peut encore éventuellement récupérer.

La perte d’innocence peut se déclencher chez une personne qui deviendra alors une victime, mais c’est également valable pour un agresseur, ce phénomène pouvant également amener une personne à une puissante agressivité.

Finalement, je crois qu’on peut prétendre qu’une victime peut être un bourreau, et un bourreau une victime. Tout est relatif, tout est bien compliqué.

La première affaire qui nous occupera permettra effectivement aux flics de la brigade de « récupérer une jeune fille à la base » : une gamine de 15 ans est retrouvée pendue dans sa chambre.

Mises à l’écart, chantages, moqueries, humiliations publiques, harcèlements, on ne peut pas mieux trouver comme activités pour aboutir à un suicide. Gipsy Paladini appuie là où ça fait vraiment très mal et brise tous les garde-fous pour nous parler, sans détour, de la souffrance qui peut s’engouffrer au plus profond d’un être fragile et sans défense. Les jeunes face aux jeunes : une confrontation disproportionnée, injuste, inhumaine, immorale, dont les règles sont inexistantes.

Ce premier dénouement - vous aurez la chance d’en avoir deux - est dramatique, d’une grande tristesse, car la violence est pure et malsaine. Une violence un peu particulière, qui vient du plus profond d’une âme dévastée.

Ce récit est sombre, nerveux. Les personnages sont atypiques, également nerveux. L’ambiance est plombante, lourde - lourde de sens ? - mais paradoxalement elle est aussi d’une incroyable vivacité.

L’auteure, par ses personnages dotés d’une forte personnalité, énergiques, nous sert des interactions et des échanges d’une magnifique subtilité. Bien des personnes dans cette histoire seront « cassées » par la franchise et le franc-parler ! Ça fait du bien, croyez-moi.

À contrario, nous nous rendons compte que nous avons aussi à faire à des personnages qui ont un vécu - évidemment ! -, un passé qui fait parfois encore souffrir, qui les empêche de s’épanouir, des antécédents qui les rattrapent et qui les frappent dans les jambes pour les déstabiliser, voire les déséquilibrer. Des personnages comme la lieutenante Marie Lafontaine ou son coéquipier Zolan. Mais encore peut-être d’autres.

Dans le second épisode, nous allons changer de registre, toujours avec les mêmes personnages que nous connaissons à présent bien, les présentations ayant été faites en bonne et due forme. Quoi que...

C’est dans une cité déglinguée, occupée majoritairement par des ressortissants arabes ou africains, que nous allons trouver une autre sorte de violence. Tournantes dans les caves, corps carbonisé dans un appartement : la vie de cité est loin de ressembler à un long fleuve tranquille. L’auteur nous plongera dans cette ambiance de zone de non droit, ou plutôt dans laquelle on se donne tous les droits, d’une manière assez brutale.

L’Afrique sera au centre de cette violence. Gipsy Paladini pointe cette fois sa plume vers la violence liée au manque d’éducation, aux croyances ancestrales ou à la peur, pour nous écrire, ou plutôt décrire le résultat plus qu’alarmant que peuvent engendrer ces aspects qui nous paraissent totalement inimaginables.


Mis à part cette nouvelle enquête en terrain miné, nous allons faire de plus amples connaissances avec les personnages que nous côtoyons depuis le début. C’est à ce niveau-là que l’auteur me tiendra fermement en haleine.

Et comme toute bonne série, ce livre se termine sur une continuité... Les personnages ont encore mille choses à nous dévoiler, mais encore faut-il gagner leur confiance absolue ! Oui, car ce que nous devons encore découvrir, ce sont les causes des profondes entailles qui défigurent chaque personnage. 

Je vous invite également à écouter la bande son que nous propose l’auteure au début et la fin de chaque série. C’est prenant, puissant et absorbant.

Bonne lecture et bonne écoute. 

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W
Toujours dans ma pal mais à te lire je vais rapidement le sortir
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P