Mauvaise personne, de Fabio Benoit --- Réalisme, honneur et vengeance!

Publié le par Paco

Mauvaise personne
Fabio Benoit 

Editions Favre SA / 2018
287 pages

Premier roman d’un collègue neuchâtelois, commissaire à la police judiciaire. Je suis toujours particulièrement intéressé lorsqu’un récit vient de l’intérieur ! Forcément, on devient un peu plus critique !

Fabio Benoit est formateur dans le domaine des auditions de police; il a d’ailleurs coécrit un ouvrage à ce sujet : « Les secrets des interrogatoires et des auditions de police, traité de tactiques, techniques et stratégies ».

L’auteur est un flic suisse et, pour moi qui le suis également, cela se ressent immédiatement. Les explications qu’il nous fournit sur les procédures, les moyens d’enquête qu’il nous dévoile, les détails qu’il nous donne sur le milieu, l’adversaire, ou encore les pensées provenant des personnages issus de la sphère judiciaire qu’il extériorise ne laissent que peu de place au doute : Fabio Benoit est bien de la maison.

Donc ?? Allez... J’adore le ton qui est donné dès les premières pages. C’est direct, franc et sarcastique. La première personne qui s’adresse à nous - oui, il y en aura d’autres ! - se présente tout de suite sans demander son reste: divorcée, a tout perdu - même son toutou Alibi -, petit boulot et ennui total.

Carrure d’armoire à glace, sale gueule, colérique - mais motivé à se maîtriser ! -, maniaque et amoureux de ses perruches, cet homme va tout de même assez vite nous inspirer de la sympathie. Du moins, c’est mon cas ! C’est à l’hosto qu’il va finir un matin, après s’être enfoncé un peu trop profondément un coton-tige dans l’oreille et, surtout, suite à un accident de la circulation. Cet homme-là, c’est Angelo Chiesa et le coton-tige, c’est la source d’un puissant effet boule de neige !

Je ne vais pas vous présenter tout le monde, mais celui-là je l’aime bien ! L’auteur dévoilera ainsi l’identité et la qualité des protagonistes au gré des chapitres. En fait non, l’auteur ne fera absolument rien du tout, car les personnages vont se présenter eux-mêmes, à tour de rôle !

Un flic de la police judiciaire plutôt efficace et motivé, un criminel complètement taré aux tendances psychopathes ou encore une belle et jeune proc' carriériste et percutante : toutes ces personnes - et d’autres ! - vont vous expliquer personnellement qui elles sont, ce qu’elles font et comment elles voient et appréhendent les choses. Cette manière de faire, je la cautionne à 100% ! Tu te sens tout de suite impliqué et ça passe plutôt bien !

L’histoire, pour nous, débute sur un malentendu, dans le cadre d’une sale affaire qui, elle, a démarré depuis quelques temps. Des séries de braquages musclés dans le domaine de l’horlogerie mettent une réelle pression chez les flics.

Un fou furieux va s’en prendre ici à Angelo Chiesa - l’armoire à glace à la sale gueule - et toucher à ce qu’il avait de plus cher. Ça, c’est le malentendu. Tel Jean Reno dans « Léon », notre dur au cœur tendre, un homme d’honneur et de principe, va se charger de régler les comptes. Ce que l’on va découvrir, c’est que cet homme a des ressources insoupçonnées. J’adore ça ! La « mauvaise personne » qu’il ne fallait pas chatouiller, c’est bien lui.

Ce récit est très bien écrit et, surtout, transpire de réalisme ! Nous sommes dans le domaine du braquage, notamment, mais de loin pas dans l’univers d’un mauvais film à sensation. C’est très factuel, humain et, à mes yeux, crédible. Tel un documentaire judiciaire, nous suivons pas à pas le déroulement d’une enquête qui est juste, concrète et non exagérée. Vous ne trouverez pas ici de super-héros, mais des flics bosseurs, qui ont la hargne et qui ne veulent qu’une seule chose : du résultat !

D’un point de vue humain, justement, cette histoire est très évocatrice. Vous croiserez, par exemple, des braqueurs provenant des pays de l’Est, mais avant tout des hommes qui gardent un certain honneur. Il y a des limites, tu ne fais pas n’importe quoi et, quand tu as perdu, tu acceptes les règles du jeu. Et ça aussi, je me porte garant, ce n’est pas que de la fiction.

L’enquête sur les braquages est, encore une fois, d’un réalisme époustouflant. Mais je dois dire que je n’en attendais pas moins d’un auteur flic. J’ai particulièrement apprécié les subtilités des interactions entre les personnes, soit les manipulations verbales mises en place pour arriver à un résultat déterminé. L’auteur a l’air de bien s’y connaître, c’est indéniable.

Certains détails « typiquement flic » donnent également un plus à ce récit, à l’image du gars qui est astreint aux écoutes téléphoniques. Ce qu’il nous dévoile comme sentiments concernant son job ne peut provenir que d’un esprit de flic. Ce sont des petits détails qui font pour moi une grande différence !

L’auteur, perspicace, nous pousse dans le récit avec de bons arguments. La trame est subtile, le rythme plus que correct et la tension plutôt palpable. Une bonne partie de cette histoire est une préparation, une annonce formelle qui nous indique que la déflagration est proche.

Fabio Benoit nous tient en haleine en respectant scrupuleusement le schéma « flics - braqueurs - Angelo Chiesa » (l’homme à la sale gueule).

Le dénouement nous arrive de plein fouet et nous claque dans la gueule après avoir subi une belle accélération. C’est violent, cash et sans concession. L’auteur est formateur dans le domaine des auditions de police et nous donne ici quelques tuyaux pour faire parler les gens. Cependant, et vous comprendrez en lisant, ces protocoles, certes efficaces, ne sont pas instruites à l’école de police. Je ne vous en dis pas plus !

Récit très réaliste, avec des valeurs humaines extraordinaires, poussées à l’extrême, mais également la mise en avant de vices répugnants, tel que le pouvoir dans le sens large du terme.

Ce récit nous montre aussi que chacun a sa manière d’enquêter, menant à des résultats bien différents. La plus efficace est-elle la plus légale ?

Nous nous questionnerons aussi sur le principe du bien et du mal. Mais par rapport à quoi ? Tout est relatif… Qu’est-ce qui est factuellement le plus efficace ? La justice ou le justicier ? Le lecteur, en endossant le rôle de Juge de moralité, aura le loisir de se poser ce genre de questions !

Premier roman prometteur, un auteur à suivre !

Bonne lecture.

Publié dans Littérature suisse

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R
Pour un auteur Suisse ça donne envie... merci pour ton récit ???? et fini les aprioris... j’achète !
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P
Tu ne seras pas déçu!