L'heure des fous, de Nicolas Lebel - Le combat des laissés-pour-compte!

Publié le par Paco

L’heure des fous
Nicolas Lebel

Editions Marabout / 2013
343 pages

L’heure des fous est le premier roman de Nicolas Lebel. Oui, j’ai un peu de retard sur les œuvres de cet auteur, c’est vrai, mais je compte au moins y aller dans l’ordre, ce qui est assez louable !

Alors j’adhère totalement ! Lebel, vous pouvez l’écrire dans tous les sens, cela restera Lebel, et c’est tant mieux !

Bref, ce n’est pas vraiment ça qui compte et nous allons entrer dans le vif du sujet. Tiens, vif est justement un mot approprié pour définir le personnage qui dirige l’enquête qui nous préoccupe ici, le capitaine Mehrlicht! Ce dinosaure du commissariat est la caricature du vieux flic aigri : donc... aigri, pas si vieux si l’on se réfère à son passeport, mais vieux si on l’observe, acariâtre, impatient, machiste, perspicace, vif et, au fond, un sacré bon type. Un chef qui ne veut pas vraiment l’être mais qui mérite de l’être. Il a du charisme !

Je peux vous dire tout cela en ayant juste tourné quelques pages, car l’auteur déploie de bonnes facultés pour décrire et dépeindre vite et bien la situation. Le commissariat du XIIème arrondissement dans lequel nous entrons nous est vite familier. Mais nous allons vite y ressortir, pas seuls, soit en compagnie de Mehrlicht et de ses hommes. Un clochard a été retrouvé poignardé sur les voies de la SNCF, près de la gare de Lyon.

L’enquête débute classiquement mais très juste. Il n’y a d’ailleurs pas mille manières de débuter une enquête ! Scène de crime au peigne fin, identification, recherches, témoins, autopsie, enquête de voisinage et renseignements.

Un clodo assassiné, c’est une affaire - factuellement ! - vite réglée. Mais cela ne sera de loin pas le cas. Derrière ce SDF se cachait un homme qui commençait à gêner. Nous resterons alors dans le milieu des sans-abris, mais l’affaire va prendre une tournure inquiétant le beau gratin parisien avec les patates chaudes qui vont avec !

Ce qui va pimenter encore davantage ce récit, ce sont les quelques personnes - on ne sait pas vraiment qui elles sont - qui préparent visiblement quelque chose qui leur tient vraiment à cœur ! Nous ne savons pas ce que c’est, mais nous devinons sans trop nous creuser la tête que ce n’est pas un acte de bienveillance.

« Affaire d’Etat ! », « pour le bien de l’Etat ! ». Allez, il faut manipuler, museler, contrôler, contraindre, écraser, surveiller ou encore écarter. Il y a parfois des décisions prises qui reviennent irrémédiablement claquer dans la gueule comme un élastique bien trop tendu. Ça fait mal, mais il faut l’assumer ! Il y aura de ça ici.

D’une manière subtile, l’auteur ajoutera quelques faits historiques qui vont fondre et couler vers des événements actuels. Mêler l’Histoire à l’histoire qui nous préoccupe donne une belle consistance à cette trame.

Bref ! Déambuler aux côtés des personnages de ce polar est un régal. Les interactions sont parfois monumentales et souvent hautes en couleurs ! L’auteur semble très à l’aise pour coucher les personnages sur le papier et ainsi les laisser faire le reste. C’est très vivant ! Le capitaine est un gars mythique qui restera gravé dans la caboche du lecteur, je m’en porte garant.

Je vous ai parlé de ce capitaine, mais les autres ne sont pas en reste ! Entre un stagiaire qui en ramasse plein la gueule, un inspecteur avec toutes les pages du code pénal collées dans la cervelle, qui se considère comme le protecteur de la veuve et de l’orphelin, ou encore cette inspectrice très sociable, qui a de la peine à trouver sa place, nous avons de quoi passer de bons moments ! Avez-vous déjà suivi les dialogues et les scènes des polars de l’auteur sicilien Andrea Camilleri ? J’y ai parfois décelé une similitude et, croyez-moi, c’est plutôt un compliment !

En marge de l’enquête, l’auteur traitera quelques points assez intéressants et pertinents, à l’image de ces flash mob qui se déroulent de temps en temps dans les lieux publics. Problématique ? La moindre. Tout genre de rassemblement de personnes est devenu une hantise pour les forces de l’ordre et les responsables de la sécurité publique !

Dans le cadre de ce récit, nous aborderons aussi la mort, la maladie, avec humour et beaucoup d’humanité. L’aspect humain sera en fait traité de différentes manières, que ce soit côté flics ou civils. Nous sommes finalement tous pareils avec nos qualités, nos défauts, nos émotions et surtout nos états d’âme ! Pas vraiment d’exemptions.

Intéressant aussi, dans le cadre de cette enquête, de découvrir une « vie parallèle » des laissés-pour-compte, au beau milieu du Bois de Vincennes. Hiérarchie, vie sociale, défense ou encore « imposition ». Fascinant et, réel ?

Niveau visite guidée, Nicolas Lebel nous fera découvrir Paris à travers une enquête qui nous emmènera notamment à la prestigieuse Université de la Sorbonne, dans les bois de Vincennes - qui risquent de vous surprendre -, mais aussi à maints endroits de la capitale. Le capitaine Mehrlicht, aussi détestable que hautement cultivé, vous en apprendra un rayon entre deux tirées de Gitane.

Cette trame est une guerre contre la société, un cri de rage des laissés-pour-compte, une vengeance, finalement, contre ce qu’ils étaient peut-être. L’art de la guerre est un élément qui sera mis en avant dans cette histoire. Pour les détails, le capitaine Mehrlicht vous expliquera cela bien mieux que moi.

La manipulation de masse n’est de loin pas une invention récente. C’est même un art stratégique qui existe depuis bien des siècles. Le bluff, la force de persuasion ou l’art de motiver sont des armes redoutables. La guerre psychologique. Nous aurons l’occasion de le constater ici.

Le dénouement va nous conduire hors de Paris, mais pas vraiment non plus. Ambiance étouffante garantie, dans tous les sens du terme. L’auteur laisse ici, avec cette histoire, un message assez fort, mais très logique. Finalement, lorsque nous humilions quelqu’un, que nous l’écrasons, que nous le blessons ou que nous le mettons de côté, il faut s’attendre à prendre un magistral retour dans la gueule. Sans voir venir ? Certainement. Les gens que l’on ignore - jusqu’à leur existence ! -, on ne peut évidemment pas les voir venir. Les sous-estimer reste également une grosse erreur !

La maxime « qui sème le vent, récolte la tempête » est de mise ici. Belle leçon !

Bonne lecture. 

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