La Faille - Interview de Franck Thilliez sur le thème de la mort !

Publié le par Pascal K.

"... Parler de la mort, se mettre dans la peau d’un cadavre peut être une épreuve, mais il faut s’en accommoder, sinon, on ne peut pas écrire ce genre de romans ..." Franck Thilliez

Voici quelques questions que j'ai posées à Franck Thilliez sur le thème de la mort, étant donné que la trame de son dernier-né y dépeint l’âme même de la mort, et ceci dans tous ses états !

Ce sont des questions pertinentes, mais assez générales, car je ne souhaitais absolument pas spoiler l’intrigue. C'est parti !


Salut Franck, merci pour ce nouveau millésime ! Comment s’est déroulée pour toi la phase d’écriture ? Tu t’attaques ici à un thème qui te fascine, si je ne me trompe pas : la mort. Et ce n’est pas une mince affaire … 

Salut Pascal, merci à toi d’avoir pris le temps de lire cette nouvelle aventure !

En fait, je n’éprouve pas de fascination particulière pour la mort, mais elle fait partie de ces grands sujets que je souhaite traiter depuis un bon bout de temps. Le thème présente les bons ingrédients pour en faire une histoire intéressante : la partie scientifique de la mort, évidemment (quelle est la définition exacte de la mort, et vous allez voir que ce n’est pas si simple), sa partie fantasmagorique et les peurs qu’elle suscite (la Grande faucheuse, les vanités, les crânes, l’Enfer…) et aussi, toute une partie éthique qu’on retrouve dans le roman : on se souvient tous, par exemple, de Vincent Lambert. Après, la plus grande difficulté, c’est de rassembler tous ces thèmes pour en créer une histoire passionnante et qui tient évidemment la route.

L’autre élément qui me bloquait était la noirceur du sujet en lui-même : je dois en permanence garder en tête qu’un roman reste une respiration dans nos vies pas toujours gaies. Comment parler d’un thème si dur sans démoraliser le lecteur ? Il y avait un subtil équilibre à trouver, afin de jouer avec les différentes émotions.

La représentation de la mort semble énormément t’interpeller. Il y a une raison précise ? Tu m’as dit un jour que tu avais « peur de la mort ». As-tu voulu développer davantage - voire complètement - ce thème avec « La Faille » pour te « décharger » ?

Je crois qu’on a tous peur de la mort, elle est inéluctable et elle marque la fin de notre existence en tant qu’être biologique. On peut toujours essayer de l’apprivoiser, de se dire qu’au fond, elle fait finalement partie de notre vie. Quand on écrit des thrillers ou des romans policiers, comme moi, on passe nos journées avec la mort. On avance ensemble dans le récit. Ça fait 20 ans que je fais ça ! Beaucoup de personnes préfèrent éviter de songer à la mort, car elle fait peur, elle peut arriver n’importe quand et tout interrompre. Mais moi, je suis obligé de me confronter à ces questions auxquelles la plupart des gens ne veulent pas réfléchir. Parler de la mort, se mettre dans la peau d’un cadavre peut être une épreuve, mais il faut s’en accommoder, sinon, on ne peut pas écrire ce genre de romans.

Après la lecture de ton bouquin, je suis obligé de te poser la question suivante. Selon tes propres convictions ou expériences, que penses-tu qu’il y ait après la mort ?

Très bonne question à laquelle je n’ai pas la réponse. Ma partie scientifique aurait tendance à dire qu’il n’y a rien après. Quand les derniers neurones s’éteignent, ce courant qui nous anime disparaît, et notre enveloppe corporelle retourne à la terre. Mais ma part plus spirituelle me porte à penser qu’il peut y avoir quelque chose derrière, que notre âme se retrouve quelque part, je ne sais où, et qu’elle demeure présente dans le monde des vivants. Je crois aux esprits, parce qu’il m’est arrivé de vivre des expériences troublantes en lien avec des personnes défuntes. Simple coïncidence ? Volonté si forte d’y croire que l’on pense réel ce qui ne l’est pas ? Je l’ignore, et je trouve finalement que c’est très bien ainsi : ne pas savoir ...

Peux-tu me donner ta propre définition de la conscience ? Ce thème est largement abordé dans ton récit. Est-ce un élément scientifiquement explicable ?

Je dirais qu’elle est la lumière qui éclaire nos vies biologiques, et nous fait sentir vivants (j’aurais bien dit « nous donne conscience d’exister », mais il y a « conscience » !). Certains disent que la conscience est ce qui nous différencie des autres être vivants, mais je ne suis pas tout à fait d’accord, car j’estime que certains animaux ne sont pas régis que par les instincts et expriment une forme de conscience de soi (grands primates, baleines, dauphins, peut-être les chiens…) J’imagine la conscience comme une sorte de petit nuage flottant à l’intérieur de mon cerveau, même si cette image est impossible, c’est ma représentation.

La science se penche depuis des années sur la conscience, par le biais des neurosciences. Aujourd’hui, on sait qu’elle est générée par tout un tas de zones et de processus complexes du cerveau. Grâce aux machines perfectionnées, on est capable de définir des « états de conscience », utiles notamment pour les personnes dans le coma. Mais cela reste encore un grand mystère (surtout pour moi !!). Vous qui lisez ce texte, imaginez les transformations que subit cette succession de lettres sous vos yeux pour se transformer en une pensée rationnelle qui aboutira à votre propre perception de ma réponse ! 

Question plutôt personnelle, as-tu déjà frôlé la mort ?

On peut la frôler tous les jours sans le savoir ! C’est juste que, peut-être, ce n’est pas encore le moment, que le rendez-vous sera pour plus tard. Il n’y a aucune règle face à la mort, on le sait tous. De mémoire, non, je ne crois pas l’avoir frôlée. Pas suffisamment en tout cas pour sentir son souffle glacé me hérisser les poils.

Du coup, tes personnages ont également dû subir ce thème morbide ! Tu ne les ménages pas vraiment … Franck et Lucie prennent gentiment de l’âge. As-tu déjà envisagé leur proche avenir ou alors tu les laisses gérer cela eux-mêmes ?

C’est vrai qu’ils vieillissent, comme nous tous. C’est ce qui les rend finalement très humains, ils sont héros de roman, mais ils n’échappent pas aux affres de l’âge et eux aussi, un jour, mourront. Espérons le plus tard possible !!

Comme nos propres destins, j’ignore de quoi le leur sera fait à l’avenir. J’avance au coup par coup, sans chercher à anticiper. C’est ce qui se passe dans le livre présent qui est important. Pour la suite, on verra plus tard ! 

Encore merci Franck pour le temps consacré à cet exercice !

Merci à toi, et … à l’année prochaine ! 

 

Publié dans interviews

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