Quelques questions à Franck Thilliez concernant "Rêver"
"... j'arrive à garder une vraie distance entre ce que j'écris, et la personne que je suis."
Franck Thilliez
Franck Thilliez a trouvé le temps de répondre à quelques questions concernant son dernier thriller "Rêver". Merci à lui! (Illustration: couverture de "Rêver" + photo prise au Quai du polar à Lyon le 02.04.2016)
Tu as choisi comme thème principal la narcolepsie et ses "dérivés". Comment es-tu arrivé sur ce sujet et pourquoi? Car cela est lié aux "bugs" du cerveau? Fasciné?
Le sommeil est un sujet qui m'intéresse depuis quelques années, au même titre que la mémoire. J'ai toujours été fasciné par le pouvoir des rêves, leur puissance. Il fallait que je trouve une histoire qui permette de mettre ce thème à l'honneur. Un personnage atteint de narcolepsie m'a semblé être un parfait levier ! J'ai ensuite construit mon intrigue autour de ce personnage.
Il s'agit d'un thème bien spécifique et complexe. Qu'as-tu entrepris pour être cohérent, juste et précis afin d'aborder ce sujet?
Je me suis documenté, comme je le fais à chaque fois. Pas mal de documentation écrite, puis des rencontres. Pour Abigaël, j'ai forcé un peu le trait sur sa narcolepsie, le traitement qu'elle prend, et qui lui efface la mémoire. Tous les narcoleptiques ne souffrent pas à ce point, certains ont tel symptôme, d'autres pas. Abigaël, elle, cumule tous les symptômes, ce qui rend sa vie très compliquée !
La trame de ton thriller est complexe, brillamment "désordonnée" dans l'échelle du temps avec de nombreuses ramifications. C'est d'ailleurs souvent le cas dans tes intrigues. Comment fais-tu pour t'en sortir? C'est quoi ta ligne, ta méthode, ta préparation?
C'est vrai que c'est compliqué, et j'avoue m'y perdre moi-même parfois ! J'ai appris à construire ce genre d'intrigue élaboré avec le temps, l'écriture, les retours des lecteurs. Et puis, j'ai l'esprit très scientifique, cartésien, cela m'aide, évidemment. Autre chose : je pense constamment à mon lecteur. A chaque phrase que j'écris, je me pose les questions : qu'est-ce que le lecteur attend de l'intrigue à ce moment-là ? Une révélation, une accélaration, une pause ? Bref, c'est ce mélange de questions, de doute et de cohérence que je mélange avec ma grosse cuillère de romancier, et qui donne un livre à la fin!
Je t'avais proposé trois questions mais je t'ai menti. Une dernière, plus personnelle. Arrives-tu prendre du recule face à tes intrigues assez glauques? Ou est-ce que cela te "prend constamment la tête"?
Non, j'arrive à garder une vraie distance entre ce que j'écris, et la personne que je suis. Je cite souvent l'exemple du médecin légiste, face aux morts dans sa salle d'autopsie, qui réalise un acte médical pour aider l'enquête, et qui retrouve sa famille, ses amis, une fois les portes de l'institut médico légal franchi. Il n'emmène pas ses cadavres avec lui!
Alors nous voilà rassurés! Comme cela nous savons que Franck va continuer à garder toute sa tête pour nous construire des intrigues tout aussi tordues! Plutôt bon signe...