Matière noire, Ivan Zinberg --- Quel réalisme !
Matière noire
Ivan Zinberg
Éditions Cosmopolis / 2019
463 pages
Un flic pour raconter une histoire de flics ... Je dois admettre que c’est le genre de situation qui me va ! Par contre, je deviens alors assez critique. Flic, je le suis aussi et je pardonne donc moins facilement les incohérences liées au job ! Mais là, après avoir tourné furieusement ces quelques 450 pages, je peux prétendre que nous sommes sur du lourd et du sérieux ...
Entrée en matière efficace, pragmatique, nous sommes dans l’action pour faire connaissance avec le chef de la BAC de Saint-Etienne, Karim Bekkouche. La disparition d’une jeune fille vers Saint-Etienne sera le fil rouge nous reliant à cet enquêteur.
L’auteur nous présentera également Jacques Canovas, journaliste pour un solide journal d’investigation parisien, « Crime-Hebdo ». Cet ancien flic, efficace, zélé, va mettre le nez dans une affaire de disparition en Savoie, une joggeuse qui n’a plus donné signe de vie.
Deux hommes, deux disparitions, deux méthodes d’enquête, une seule affaire ? Ça sera un peu plus complexe que cela.
Ivan Zinberg, que je découvre, nous conte son récit avec l’âme du flic, c’est indéniable. Les situations, les dialogues ou même certains petits réflexes sonnent flic à plein nez. Ça sent le vécu, évidemment. Son écriture s’articule entre un réalisme assez bluffant et une violence bien perceptible. Une brutalité très subtile liée justement à cette authenticité.
L’auteur nous pousse vers quelques banlieues - Saint-Etienne, Lyon - et nous montre un peu ce qu’il y a de plus moche. Tous les clichés d’une cité pourrie sont ici réunis, sauf qu’il s’agit plutôt d’un pathétique état des lieux du réel ! L’auteur sait faire parler les jeunes de là-bas, avec style, si j’ose dire !
Nous évoluons dans cette intrigue à coups d’infos, de recherche, d’acharnements ou encore de ténacités. Mais nous avançons surtout grâce à deux hommes qui foncent en avant, chacun de leur côté, à leur façon, avec un engouement presque viscéral. Le flic, le journaliste, deux enquêtes bien distinctes, mais ô combien sérieuses.
A propos d’enquête, l’auteur nous fournit ici des éléments propres, pros et pertinents. C’est fluide, ça avance, on est dans l’investigation ! Pas de petits miracles, pas de facilités, il faut creuser, réfléchir, provoquer ou élargir un peu son champ de vision pour progresser ! Et peut-être aussi parfois utiliser des chemins de traverse ... L’adversaire ne s’en prive pas !
Du point de vue des tactiques ou techniques policières, c’est du très bon boulot ! Méthodiques, réfléchis : nos deux lascars, guidés par cet auteur du cru, œuvrent avec brio. Autant le flic que le journaliste, un "vrai", en ce qui concerne ce dernier ! Si vous voyez ce que je veux dire ...
L'épaisseur des personnages est impressionnante, c’est du solide ! L’auteur ne lésine pas sur les détails pour nous coucher sur son papier des protagonistes au caractère dense et consistant. Karim Bekkouche est l’exemple-type du flic qui sait où il met ses basques. Tout bon flic traîne ses tares, non ... ? On ne naît pas tous égaux, c’est certain.
C’est très humain, très vrai, bref ... Nous sommes dans la réalité. Entre trafics de stup, prostitution, phénomène de la radicalisation ou encore les bassesses de la ville de Saint-Etienne comme toile de fond, Ivan Zinberg déroule cette enquête exigeante au cordeau, une intrigue qui nous conduira dans les quatre coins de la France, et même en Suisse.
Deux enquêteurs, qui tiennent chacun le bout d’une même corde, vont se rapprocher toujours un peu plus l’un de l’autre avec, entre deux, un homme qui suit ses instincts ...
C’est en apnée et sous haute-tension que nous allons nous diriger vers un dénouement qui ne va pas manquer de nous surprendre.
Je retiendrai l’immense boulot qu’a fourni l’auteur pour façonner ses personnages ! Je n’ai pas souvent la boule à l’estomac en lisant un bouquin, mais là ...
À lire ! Bonne lecture.