L'appel du néant, Maxime Chattam --- Au cœur-même du terrorisme
L’appel du néant
Maxime Chattam
Éditions Albin Michel / 2017
516 pages
Sortie le 8 novembre 2017.
Il ne sera pas nécessaire de lire des chapitres entiers pour constater que le Mal est présent dans ce roman. Dès le départ, le lecteur sera confronté à la séquestration. Là, je me dis direct : OK, cool, mais faudra faire preuve d’originalité. La séquestration, je crois qu’on en a pas mal fait le tour.
Mon inquiétude ne durera pas longtemps, si j’ose dire. Un Mal bien plus profond va jaillir des pages de ce roman.
Nous retrouverons ici des personnages que vous connaissez déjà si vous avez lu « La conjuration primitive » ou encore « La patience du diable », à l’image de Ludivine Vancker, flic à la section de recherche de Paris, une femme tourmentée, complexe et survoltée. Mais pas seulement.
Ludivine est fascinée par le Mal absolu, attirée vers le sombre comme un moustique l’est vers la lumière. Comme pour le moustique, elle prendra indubitablement le risque de se brûler les ailes pour tenter de comprendre ce phénomène qu’est le Mal et qui - vous ne me direz pas le contraire ! -, est très présent au sein de notre société actuelle.
D’ailleurs, au moment où je rédige ces notes, j’apprends qu’un attentat vient de se produire à Manhattan, au moyen d’un véhicule bélier. Le constat général est alarmant et malheureusement cela ne s’arrêtera pas aussi facilement, car le Mal en question n’a absolument rien à perdre et n’est pas seulement déterminé, mais possédé !
Bref...
Pour le côté sombre, Ludivine n’aura pas besoin d’attendre bien longtemps : elle endossera le rôle principal de sa propre fixation. Cette femme, auparavant, était une vraie guerrière, une flic de choc, sans état d’âme, instinctive, mais qui s’est à présent rendue compte que la vie d’une femme, ce n’est pas ça. S’adoucir, être réceptive aux émotions et profiter de capter ses sentiments va s’avérer être une nouvelle vie pour elle, mais malheureusement pas au bon moment !
Pour comprendre ce début d’histoire, nous allons défier le temps pour revenir quelque temps en arrière, accompagnés de cette femme, pour atteindre le moment où tout semble avoir commencé. Une scène de crime assez absurde sera ce point de départ. Un crime qui aurait pu être banal, mais qui va finalement emmener les enquêteurs sur une affaire complexe.
Les éléments recueillis vont les conduire face à un mur, c’est certain, mais aussi vers l’œuvre d’un déséquilibré, voire d’un tueur en série.
Au niveau de l’enquête, pas de supers pouvoirs, et j’apprécie. L’auteur déroule une enquête préliminaire standard, complète et efficace. Nous ne sommes pas dans « Les Experts » - nous ne voulons d’ailleurs pas y être -, et Maxime Chattam semble l’avoir compris.
Lors des prémices de cette enquête, nous allons découvrir que la problématique liée au terrorisme, soit son fonctionnement, son recrutement, sa mise en place ou encore les difficultés à y faire face sera un élément phare ici. Je vais y revenir.
Parallèlement, nous allons suivre un Libanais, un homme qui, toute sa vie, a été autant bon que cruel. Bon avec ceux qui sont dans le besoin, cruel avec ceux qui le méritent (selon lui). Un djinn, comme sa mère l’a souvent qualifié, en référence à l’Islam, notamment. Selon les croyances, un être surnaturel capable d’influencer le genre humain, spirituellement parlant.
Cet homme, recruté par le Hezbollah, marqué par la violence et impliqué dans la guerre civile de son pays, va jouer un rôle majeur en Europe. Par cet homme, Maxime Chattam va nous démontrer comment on arrive à des situations extrêmes telles qu’elles se produisent dans nos rues, de plus en plus fréquemment, engendrant de nombreuses victimes.
Nous allons dès lors pouvoir suivre le cheminement de ce phénomène, autant sur plan géographique que spirituel, ou même émotionnel. Par ce récit, nous allons essayer de comprendre pourquoi. Et croyez-moi, c'est loin d'être anodin.
Évidemment, toutes ces voies parallèles trouveront un point de convergence que Maxime Chattam va nous mettre en place d’une manière subtile et aérée. Pour ce dernier terme, comprenez par-là que le récit demeure fluide et clair.
Tout ce qui a trait ici au terrorisme est intéressant. Tout d’abord, j’aurais tendance à dire que tout ceci est connu, souvent expliqué et parfois démontré. Je fais référence au recrutement des terroristes ou encore aux barrières qui se placent face aux enquêteurs par rapport au cadre légal, judiciaire ou tactique pour remédier à ce fléau et peut-être encore aux limites des services de renseignements de la sécurité intérieure qui se heurtent à des pratiques toujours plus rodées, effectuées avec prudence, donc davantage efficaces.
Mais là, il faut admettre que c’est franchement bien documenté, poussé, étayé, habilement mis en scène et, cela ne gâchera rien, captivant. L’auteur nous donnera la possibilité de nous enfouir dans l’âme d’un « combattant » et ainsi pouvoir développer la fameuse question : pourquoi ?
Un autre élément qui est fascinant ici, c’est le volet de l’enquête qui passe par l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie. L’exploitation des traces, soit les recherches qui peuvent être entreprises en partant des plus infimes parties de notre corps pour établir un profil, retrouver des lieux de passages d’une personne et à quel moment, ou « tout simplement » retrouver l’identité d’une personne.
Maxime Chattam nous parlera aussi du GendSAG. Dans les grandes lignes, il s’agit d’un dispositif innovant permettant d’analyser instantanément de l’ADN, juste après son prélèvement. Pour les intéressés, cela va vous fasciner également, je pense.
Pour résumer, l’auteur nous présente une police qui évolue dans les moyens, à la limite de la science-fiction, mais oh combien réelle. La menace est en constante évolution, la police ne restera donc pas en reste.
Par rapport à l’enquête, après avoir atteint le fameux point de convergence, nous allons prendre de la vitesse et la pression va augmenter. Et là, c’est une véritable course contre la montre qui débute, un ultime sprint qui désignera le vainqueur comme étant celui qui sera le plus convaincant, voire le plus solide au niveau du caractère.
Maxime Chattam place ici un prédateur sujet à controverse, incertain, oh combien dangereux, pervers et en total déséquilibre. Son instabilité sera la raison de sa dangerosité, sa croyance et son état n’étant pas sur le même axe. L’auteur nous place face à un être totalement atypique, même pour un déséquilibré !
Mais ce prédateur, ce n’est peut-être par encore celui qu’il faudra vraiment craindre. Il y en a un autre, puissant, organisé et déterminé. Pour cette partie-là, le gagnant devra se doter de pas mal de qualités, à savoir la détermination, l’organisation, l'anticipation, le sang-froid, la discrétion ou encore une bonne dose d’intelligence.
Maxime Chattam a décidé d’utiliser le terrorisme comme élément principal de cet ouvrage. Pour imager le Mal absolu, développer nos peurs et nos angoisses, difficile de faire mieux. J’ai appris beaucoup de choses, je me suis posé beaucoup de questions et je suis d’ailleurs encore en pleine réflexion.
Le Mal absolu, oui, mais aux yeux de qui ? Cette question est intéressante.
Le final est un condensé de subtilité, mais aussi d’angoisse. L’auteur déroule le dénouement en plusieurs actes, par palier, en escaladant toujours un peu plus vers l’horreur. C'est alarmant. Ce qui me rend terriblement fébrile, c’est que tout ceci est aussi dramatique que réaliste, voire même réel et franchement plausible.
Oui, car la grande subtilité et ingéniosité dont fait preuve l’auteur ici est similaire à celle dont font preuve d’autres personnes, peut-être même en ce moment.
Bonne lecture, et bonne chance.