Tout ce qui est rouge, de Marie-Christine Horn --- L'art e(s)t la manière ... de tuer

Publié le par Paco

Tout ce qui est rouge
Marie-Christine Horn

Éditions L’Âge d’Homme » / 2015
384 pages

L’art, la folie et la couleur, ou plutôt la douleur, nous accompagneront dans ce récit aux teintes très sombres, mais dominé par un rouge plutôt vif: la couleur du sang.

C’est vers un hôpital psychiatrique, La Redondière, que nous nous approcherons pour débuter cette histoire. Nous descendrons directement vers les sous-sols pour atteindre l’unité des « cas lourds », dirigée par le jeune Nicolas Belfond, où nous croiserons quelques patients qui ont tous un point commun : jugés extrêmement dangereux. Pédophiles, zoophiles, obsédé(e)s en tout genre, meurtriers : un antre invitant toutes les déviances.

C’est dans ces mêmes sous-sols que nous rencontrerons les premiers personnages, soit les employés de cette unité. Nous comprendrons que ce n’est pas pour leurs capacités médicales ou sociales qu’ils ont été engagés, mais plutôt pour leur force physique ou leur grande facilité à recevoir un blâme. Eh oui, ce bas étage n’est pas un cadeau !

Nous aurons l’occasion de discuter un peu avec eux, connaître leurs habitudes, leurs craintes, à l’image des dysfonctionnements qui règnent en ces lieux et qui se terminent en général dans le désastre. Heureusement que l’infirmier Nicolas Belfond est là pour tenir son secteur avec rigueur, une qualité qu’il a tendance à vite oublier lorsqu’il s’agit de sa vie sentimentale assez houleuse et chaude.

L’auteur réussit à transmettre un climat vivant, vrai et authentique quant à l’ambiance qui règne dans ce secteur tout de même sinistre et glauque.

Nous les observerons œuvrer parmi ces détraqués. Un boulot qui, nous le découvrirons dans le détail, demande de sacrées qualités. Les plus importantes resteront la patience, une grande force de caractère ou encore des nerfs très très solides... Nous découvrirons également qu’il s’agit là d’une unité qui voit évoluer des employés autant soudés que divisés.

Bref, nous allons vivre un moment à la Redondière.

Dès le départ, Marie-Christine Horn nous donnera l’impression de bien connaître son sujet, - le prouvera même ! - autant pour ce qui a trait au fonctionnement d’un hôpital psychiatrique, à son environnement, que pour l’état d’âme des personnages gravitant autour de cette boîte à déviances.

Mais pas seulement. Marie-Christine Horn sonde l’âme des personnages, leurs entrailles, les décortique et en ressort les ravages ou les déviances les plus enfouis. L’auteure fait preuve d’une grande sensibilité pour ce qui a trait à la psychologie de l’être humain. Quoi de mieux qu’un hôpital psychiatrique ?

Tout au long du récit, elle nous imprégnera de maintes teintes, dont le rouge comme couleur prédominante. L’art, le sang et la douleur, comme je vous l’ai dit au début, trouveront ici leur premier point de convergence dans un atelier de peinture, dans lequel la naïveté, le résultat d’une éducation stricte, la passion ou encore la folie seront confrontés à la perversité, l’abus et la violence brute.

À ce stade, l’auteure nous annoncera clairement la couleur de son histoire - oui, toujours le rouge -, mais surtout le fait que son écriture nous parviendra brute, crue, violente, dure mais aussi passionnée et profonde.

Je rajouterais encore, avant de poursuivre avec l’histoire, que l’écriture de Marie-Christine Horn est agréable à suivre, habile et élégante. L’auteure sait raconter une histoire, avec une certaine aise, et cela s’en ressent. Il y a énormément de contact entre les personnages, beaucoup d’interactions, de dialogues ou d’échanges, et je qualifierais cela de très « humain » ! Je ne sais pas comment l’expliquer autrement.

L’auteur ne mâchera parfois pas ses mots : c’est direct et brut de coffrage. Si votre âme a tendance à être assez facilement heurtée, n’insistez pas, Marie-Christine Horn n’a pas prévu de vous épargner !

Donc...

... C’est sur un homicide perpétré sur les hauts de Lausanne, dans une forêt, que nous allons principalement nous pencher. Une femme a été découverte par des gosses, assassinée, mutilée.

L’enquête, diligentée par l’inspecteur Charles Rouzier, nous ramènera directement vers l’hôpital psychiatrique de La Redondière. L’infirmier-chef Nicolas Belfond sera quelque peu dans le collimateur de la police, du moins son univers impitoyable. En effet, la victime était l’une des employés de l’hôpital, et pas forcément un être très attachant...

L’auteur de ces crimes - oui, car il y en aura d’autres -, œuvrera d’une manière assez particulière, soit "l’art" de tuer en mettant l’art en scène. Et pas n’importe lequel : l’art brut. Une manière de faire assez surprenante - là je parle de l’art brut - que je ne cautionne pas, que je n’aime pas, mais qui est assez fascinant. Je me suis pas mal documenté sur le sujet et ça vaut la peine de s’y attarder. Un art qui ne demande aucun style, juste de réaliser ce qui passe par la tête, spontanément, et comme son nom l’indique : brut.

Un art qui se marie bien avec l’univers de cette histoire, les artistes de cette pratique étant, dans l’ensemble, assez perturbés de la cervelle.

Pour en revenir aux crimes, l’hôpital sera au centre de cette affaire. Pour ma part, au cours de la lecture, j’ai eu ma petite idée sur la finalité des choses, sans pour autant en être forcément certain. Finalement, j’ai eu raison de ne pas en être sûr ! Soit, je me suis fait avoir, je l’avoue haut et fort. (!!)

Le dénouement nous place au centre de la folie humaine, à la limite de l’acharnement. Quelques notions vont ressortir, telles que la vengeance, le jugement, la folie - évidemment ! - ou encore la passion.

Au final, je retiendrai la mise en scène de personnages forts, très présents, épais, ainsi qu’une trame fort originale, qui nous balance entre le milieu de l’art, - et pas n’importe lequel ! - et la haine, mais aussi l’univers d’un milieu hospitalier qui fait réfléchir sur bien des aspects. Je ne dirai pas lesquels, à vous de vous faire vos propres réflexions sur le sujet en lisant ce livre...

Ah, j’allais oublier : à travers ces lignes, entre la haine et la violence, vous aurez aussi l’occasion de suivre une belle histoire d’amour. Tant qu’à faire... 

Bonne lecture. 

Publié dans Littérature suisse

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L
J'ai beaucoup aimé "La piqûre"; du coup, celui-ci est sur ma liste et votre billet me le rappelle.
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