Te tenir la main pendant que tout brûle, Johana Gustawsson
Te tenir la main pendant que tout brûle
Johana Gustawsson
Éditions Calmann Lévy / 2021
357 pages
Allez, je démarre avec l’essentiel, le dénouement. Quelle prouesse ! Grand respect devant cette capacité à boucler une histoire avec tant de finesse, d’adresse, mais aussi de cruauté. Une violence feutrée, trouble, fourbe, qui se déploie petit à petit pour finalement t’éclater à la gueule.
Johana Gustawsson déplie ici l’échelle du temps pour nous placer face à trois générations, respectivement face à trois destins - plutôt funestes ! - de femmes liées à leurs rôles de mères. C’est fort, ça prend aux tripes et ça ne te les lâche plus.
Nous avons donc trois époques bien distinctes. En 2002, une ancienne institutrice, connue pour être intègre et bienveillante, poignarde son mari de dizaines de coups de couteau. En 1949, une jeune ado tourmentée tente d’éveiller ses sens et ses désirs en rendant visite à une vieille femme plutôt étrange dans une maison de repos. En 1899, une mère de famille perd ses deux enfants lors de l’incendie de leur hôtel particulier.
Faut-il y voir un lien ? Évidemment.
Nous naviguons entre chacune de ces époques en avançant au gré d’un vent plutôt calme. Trop calme ? Non. Ceci nous permet de nous familiariser avec toutes ces personnes qui gravitent autour de nous et, croyez-moi, cela vaut la peine d’être patients. N’allez justement pas trop vite ; observez, écoutez, réfléchissez … sinon vous risquez, comme moi, de vous faire couillonner ! Le diable est dans les détails, non … ?
Johana Gustawsson a clairement cette capacité à cultiver le mystère, tout en créant des liens qui restent, il faut le dire, très fragiles. J’aime beaucoup cette façon d’accumuler toutes sortes de corrélations qui nous font tilts mais qui, paradoxalement, nous laissent dans une sorte d’opacité. On essaye d’y voir quelque chose, tel un gamin qui sautille devant une fenêtre bien trop haute pour lui, sans pour autant y déceler l’ensemble en une seule fois.
Je ne vous parlerai pas du fond de l’histoire, ce n’est pas le but. Mais je retiendrai une chose capitale. Le lien qu’une femme peut tisser avec son enfant, un enfant ou même avec l’envie d’avoir un enfant est extrêmement fort et indestructible. Mais peut-être aussi destructeur ? Je n’en dirai pas plus, à part peut-être le fait que Johana Gustawsson sait y faire pour nous envoyer ses mots directement en plein cœur.
Bref, profitez de vous accaparer de toute cette magie - noire ! - qui émane de ces pages !
A lire.