L'affaire Clara Miller, Olivier Bal --- Notre part d'ombre et de lumière !
L’affaire Clara Miller
Olivier Bal
Éditions XO / 2020
494 pages
Évoluer dans la sphère d’une puissante célébrité ne m’enchantait pas plus que ça, j’avoue. Je déteste ce monde-là, il ne m’intéresse pas du tout. Mais là, putain ! Olivier Bal a réussi à m’atteindre, à faire éclater une à une toutes les bulles d’émotion qui se développaient en moi au fil des pages. Ce monde peut être fascinant, même touchant ! Violent !
Les ingrédients que nous propose l’auteur au début de ce récit permettent d’obtenir une recette intéressante. Encore faut-il savoir la concocter ! Mais je vous rassure, c’est bien le cas ici !
Nous avons un journaliste assez standard, pas trop populaire, mais plutôt pertinent. Nous avons également une star - LA rock-star, le produit ! -, bien entourée, que le monde entier adule, adore, adhère. Et nous avons finalement des cadavres de jeunes femmes, toutes retrouvées vers un lac, sur une période de 5 ans. Suicides ?
Ça, ce sont les ingrédients. La recette est la suivante : placez ce lac vers le manoir - la forteresse ! - de la rock-star et donnez au journaliste, très impliqué, de gros doutes quant aux suicides des victimes. Cela nous donne alors la trame de base de ce thriller sous tension !
Le découpage des chapitres est plutôt judicieux, car très intime, d’une certaine manière. Une panoplie de personnages différents nous parle à chaque chapitre, raconte, nous dévoile des éléments. Cela permet d’avoir une bonne vue d’ensemble sur l’intrigue, avec des propos très personnels et des éclairages distincts ! À nous, lecteurs, d’en faire notre propre synthèse.
Qui dit célébrité, dit vie de merde (à mes yeux). Paranoïa, addictions, arrogance, mépris ou excès, c’est apparemment le prix à payer pour être reconnu, adulé et couvert de fric. L’auteur nous enfouit subtilement dans ce monde très select qui me fait un peu pitié, voire gerber sous certains aspects. C’est tellement superficiel, ça manque cruellement de valeurs ! Avec du pognon, - et il ne faut pas venir me dire que ce n’est pas vrai ! - tu peux tout t’offrir, même l’impunité ?
Et il y a cette intrigue. J’adore ! C’est un peu David contre Goliath. J’aime énormément cet esprit d’acharnement, ce courage, ce combat. L’image de ce petit journaliste au volant de sa vieille Ford déglinguée qui cherche, qui tourne, qui repasse, qui observe et qui ne lâche rien, j’en suis fan ! Quand on est convaincu et qu’on n’a plus rien à perdre, on est forcément plus fort.
Dans notre monde, rien n’est jamais blanc, ou noir. Tout est nuancé, toujours. Nous pouvons nous demander ce qui est vraiment juste, ou non, ce qui est mal ou alors juste un mal pour un bien. Au final, nous ne sommes pas foncièrement que bons ou mauvais, d’où les nuances ! Cet aspect sera pour moi la moralité de cette histoire !
Ce conte macabre montre à quel point tout peut déraper rapidement. Plus on a, plus on veut. Les termes « limites » et « garde-fous » deviennent superflus, inutiles et dérisoires. L’image doit par contre rester entière, propre, quoiqu’il arrive !
Nous sommes ici aux États-Unis où tout est fait de décors. La vie est constituée d’ornements et de parures - de paraître ! Et il y a donc l’envers du décor. Quand on creuse et que l’on cherche un peu plus en profondeur, on commence à comprendre et à un peu moins juger. Ou alors on juge, mais différemment. Tout est fait de nuances ...
L’enfance - l’enfant -, va prendre ici une part importante du récit. L’auteur concentre son intrigue sur les traumatismes liées aux sources de l’existence et ses conséquences. Alors non, la souffrance n’excuse pas tout, c’est sûr, mais elle aide grandement à comprendre certains comportements !
L’armature, la structure et l’espace-temps de ce récit sont magistralement bien pensés ! Nous sommes à l’écoute de plusieurs personnages, comme je vous l’ai mentionné avant, à des périodes différentes, à des moments clé. Nous nous sentons dès lors très proches et, surtout, très concernés.
Les amis, je vous préviens, le dénouement est un gros morceau, consistant, bien épais. C’est lourd ! Si l’on était un peu imaginatif, on entendrait presque de lents battements de tambours, réguliers, puissants. Bravo, Olivier Bal, tu as réussi à amener ton effet à travers ces pages ! Touché !
Et n’oubliez-pas, on est ce qu’on est, notre parcours nous a façonnés et travaillés au corps. On a toutes et tous notre part d’ombre et de lumière, quelque part ...
Bonne lecture.