UTØYA - l'affaire Breivik, Laurent Obertone
UTØYA
L’affaire Breivik
Laurent Obertone
Éditions Ring / 2016
534 pages
Bon, je ne vais pas vous faire ici un compte rendu sur ce jour noir de juillet 2011. Tout le monde en connaît les circonstances - du moins si vous êtes civilisés.
Je ne vais pas non plus vous faire une biographie de ce Norvégien ultranationaliste qui a rendu ce jour bien sombre - je ne cite pas son nom dans cette chronique, ce type est pour moi insignifiant -, car vous savez normalement plus ou moins qui il est.
Je vais me focaliser sur les actes, essayer de « saisir » ce qui peut bien motiver un être à commettre une tuerie de masse, qu’est-ce qui peut bien nourrir une telle haine, mais aussi me pencher sur le style - la manière ! - que l’auteur utilise pour nous cracher cette affaire.
Premier constat, la narration. Laurent Obertone EST dans la peau du terroriste norvégien qui nous raconte sa chasse. Oui, c’est une chasse. Un aboutissement, une conclusion, sa solution, une propagande, de la publicité pour son manifeste. Connard.
Dans un premier temps, je suis gêné. Je suis trop proche de lui. Il me gonfle, il me casse les couilles, mais je l’écoute, car je veux savoir. Il est méchamment prêt, méticuleusement préparé, ce connard, lourdement armé, jusqu’aux dents, paré mentalement pour l’action. Il le sait, même s’il est à cran.
Le doute disparaît à la première balle tirée dans la tête. Acte de non-retour. Ce connard est désormais un tueur. La barrière est franchie, chaque corps d’ados qui tombent accentuent sa détermination. C’est abominable. Boulot à la chaîne, tirs à vue, corrections, ajustements. Ça ne s’arrête plus. Exécutions sur exécutions.
Et il me parle, il commente, il tue. Il marche, il observe, il épaule, il tue. J’ai envie de lui tirer une balle dans la tête, j’ai envie de le stopper. J’ai envie de sauver ces ados qui tombent comme des mouches. Je suis frustré.
Et il y a surtout son long plaidoyer. Un monologue qui résonne encore dans ma tête.
Grand con, tu t’exprimes comme un chevalier, comme un courageux guerrier. Tu as abattu par surprise presque 70 gamins inoffensifs et sans défense. Quel courage ! Exécuter des ados pour des idéaux. Quel combat !
« Je sature le monde. Je suis une star. Je suis un tsar. Je passe devant Hitler, devant Jésus. Devant Dieu peut-être. ». Comment peut-on tuer des enfants innocents ? « Ils n’étaient pas innocents. Ils étaient socialistes. »
Ces phrases ou pensées veulent absolument tout dire. Cette enflure a besoin d’avoir le monde à ses pieds pour donner sa version de son monde à lui, pour justifier ses actes de légitime défense. Pitoyable.
Tu as le droit de penser ce que tu veux, légitime ou non, chacun en a le droit. Mais ton combat a été un acte lâche. Je retiendrai cela de toi, un lâche, un frustré doublé d’un illuminé pathétique et trouillard en manque d’attention. Un soldat se bat contre des soldats, toi tu as descendu des ados sans défense. Je retiendrai que cela de toi. Minable.
Tu étais insignifiant à mes yeux, tu es désormais un lâche, c’est déjà ça de gagné. Dommage, car ce n’est pas tout faux ce que tu dis, je suis obligé de l’admettre, sur certains points politiques, médiatiques ou religieux, mais il fallait te battre autrement. Tu es un déchet « humain » qui n’a pas su faire, tu as paniqué, tu es un peureux.
Tu es intelligent, instruit, calculateur, c’est indéniable. Cet état de fait aggrave pour moi ce que tu as commis. Ta culpabilité n’en est que renforcée. Assassin. Ton problème ? Tu es un faible qui ne sait pas s’imposer, tu n’as aucun charisme et tu le sais. La violence était la seule solution à tes yeux, une violence lâche, une violence pour exorciser ta peur.
Tu as atteint, selon toi - uniquement selon toi ! -, le pouvoir suprême. Même tes pairs - ton père ? - te renient. Tu as juste lâchement exécuté des gamins sans défense qui ont une opinion qui te fait gerber et qui te fait surtout peur. Quel héros !
Bref, au final, j’ai mes réponses. Tu voulais le pouvoir, tu ne l’auras jamais. Tu voulais te battre pour ton pays, tu l’as perdu, avec tout le crédit que tu avais acquis un jour, peut-être ... Tu n’as rien gagné, soldat de pacotille. Le monde t’oubliera vite. Il suffit de tirer la chasse !
Sinon ! Pardon ! Je n’en ai pas parlé. Le style de ce bouquin est bluffant. A en juger par la haine que j’éprouve pour le narrateur, je suis obligé de saluer le travail de Laurent Obertone qui m’a lancé la tête la première dans la boue, sans que je puisse en ressortir indemne.
Ou plutôt j’en ressors, mais sale, souillé, je n’arrive pas me décrasser. Ce récit me colle aux basques. Merde, je me suis retrouvé trop proche de cette fiente qui a tenté de me corrompre avec sa doctrine d’homme avisé ! Laurent Obertone, comment pouvez-vous en ressortir indemne, vous ? Quel est votre point de vue ?
Bonne chance.