L'aigle noir - Jacques Saussey
L’aigle noir
Jacques Saussey
Éditions Fleuve noir / 2022
526 pages
Après avoir tourné la première page de ce livre, nous nous retrouvons tranquillement au bord du Lac Volta, au Ghana, en Afrique de l’Ouest. C’est calme, c’est paisible, et puis c’est violent, très violent. L’auteur de cette brutalité viscérale ancrée dans l’âme, un jeune ghanéen, nous allons le suivre à travers ces pages qui vont toutes s’écorner et se déchirer sur son passage.
Nous irons également du côté de Toulon, où nous rencontrons un flic retraité qui se voit attribuer une mission, confiée par un père désespéré, qui le mènera vers l’île de La Réunion. Le paradis sur terre, oui, certainement, mais l’enfer a malheureusement sa place un peu partout. Tant qu’il y aura des Hommes …
Néanmoins, c’est tout de même avec une sorte de réjouissance que j’atterris à La Réunion avec ce jeune retraité. Il n’y connaît rien de cet endroit et ça tombe plutôt bien, moi non plus. Du coup, ensemble, nous allons pouvoir découvrir les lieux et, croyez-moi, c’est hors des sentiers battus.
J’aime beaucoup la manière qu’utilise l’auteur pour nous enfouir dans cette intrigue. A l’instar de ce flic, nous partons de rien, nous ne connaissons personne et nous avançons à tâtons dans une atmosphère aussi éblouissante qu’étouffante. Cette intrigue est fluide, intuitive et très humaine.
Notre flic à la retraite, Paul, en effectuant cette mission, dérangera beaucoup. Eh oui, il vient dérégler un « écho système » qui semblait bien tourner et, par la même occasion, déterrer une affaire dont l’odeur pestilentielle semblait être assez bien recouverte jusqu’à présent.
Jacques Saussey touche ici plusieurs aspects sociaux préoccupants, comme le trafic de stups ou, plus sensible, la pédophilie, notamment dans le cadre familial. Ces éléments désagréables, voire insupportables pour certains, vont se fondre, s’étaler et s’immiscer dans une trame très accrocheuse.
Je vais m’attarder un peu sur l’aspect lié à la pédophilie. Je dois admettre que l’auteur narre ce volet avec beaucoup d’habilité, de pertinence et de sensibilité. Au niveau de l’enquête - qui amène bien trop souvent les enquêteurs vers la frustration -, c’est très cohérent et, encore une fois, fidèle à la réalité.
Ce sujet est très délicat et l’auteur le traite avec déférence, tout en étant très cash. La réalité est ce qu’elle est, bien malheureusement. Cela peut sembler parfois si irréel, car irrationnel, mais cela ne l’est tristement pas. Écœurant.
Jacques Saussey traite également ici d’un phénomène malsain, dangereux et dérangeant, à savoir l’association de personnes fragiles et instables soumises et dominées par un guide d’une rare cruauté.
Tous ces éléments percutants mis bout à bout vont créer un lien aussi solide que vulnérable, une trame très bien pensée qui place sans aucun doute l’humain au premier rang. L’humain avec toute sa cruauté, ses faiblesses, ses perversions ou ses sales pulsions, mais aussi l’humain avec tout son amour, sa générosité, sa richesse et son courage. Qui l’emporte ? Voici une question pour laquelle vous ne risquez pas d’avoir une réponse claire de sitôt. L’être humain n’a pas fini de nous surprendre, dans le pire, comme dans le meilleur. Cette histoire vous le démontrera.
A lire.