Un coin de ciel brûlait, Laurent Guillaume
Un coin de ciel brûlait
Laurent Guillaume
Éditions Michel Lafon / 2021
493 pages
1992. Sierra Leone, Afrique de l’ouest, certainement l’un des pays les plus pauvres de la planète. Lutte entre ethnies, guerre civile, conflits liés au diamant - la fièvre des carats ! - ou guerre contre la corruption ; vivre dans ce pays semble être un combat sans fin, sans espoir. Le diamant, par nature, est beau et précieux mais, là-bas, il devient mortel et pernicieux.
Nous poserons également les pieds en Suisse et en France, de nos jours, où des hommes se font proprement descendre. Un lien avec La Sierra Leone ? Bref, je ne vais pas tout vous dire non plus.
Ah si, nous tournerons également notre regard vers une prison haute-sécurité située dans la campagne anglaise, où nous pourrons suivre les faits et gestes du nouveau médecin de l’établissement, ainsi que recueillir les propos de l’un des prisonniers. Nous ferons aussi une escale aux Etats-Unis, mais cela semble aller de soi étant donné que nous parlons ici de trafics, d’argent et de pouvoir.
L’auteur nous donne l’occasion de suivre une enquête bouleversante, brutale et implacable, non pas menée uniquement par la police, mais aussi - surtout ! - par une journaliste française. Pas de celles qui blablatent tous les 20 minutes sur votre smartphone ou à la TV, mais une qui s’investit, tenace et efficace, et qui ne fait pas semblant de bosser en dégurgitant de la merde. Une « journaliste d’investigation » qui, soit dit en passant, devrait presque être un pléonasme. Normalement …
Cette intrigue est dure, consternante et déchirante. Le volet qui se déroule en Sierra Leone risque de marquer votre âme au fer rouge. Mais, ne cachons pas la merde au chat, cela reste une triste réalité. Si vous vous êtes toujours demandé comment « naissait » un enfant-soldat - un chien de guerre ! -, vous trouverez les réponses ici. Laurent Guillaume nous l’explique, sans filtre, en nous plaçant face à ces gamins à l’âme errante - perdue ! - et condamnée.
L’auteur a réussi à m’entraîner sur un ring sur lequel j’ai dû me battre contre ma conscience concernant ce groupe de rebelles. Ce n’est pas si simple … Tout n’est pas juste blanc ou noir lorsqu’il s’agit du bien ou du mal. Les nuances sont infinies, surtout avec une vie de misère.
Nous suivrons constamment les arêtes de ce triangle bien défini : enfant-soldat en Sierra Leone - journaliste française - médecin d’une prison en Angleterre. L’auteur va alors arracher toutes ces arêtes, les placer les unes sur les autres afin de créer un point de convergence qui va nous mener vers un passé chargé de honte et de bassesse.
Un passé bourré de fientes et dégageant tellement de miasmes qu’il ne pouvait que remonter à la surface un jour ou l’autre. Vous pouvez le recouvrir avec autant d’impunité que vous le souhaitez, l’odeur de la vengeance restera toujours - au moins - aussi forte que celle émanant de la douleur. L’addition de la cupidité se paye tôt ou tard …
Vers le dénouement, Laurent Guillaume enfile toute la pression de cette intrigue dans un entonnoir en appuyant bien fort. Je peux vous garantir que ce qui ressort à l’autre bout est prêt à éclater à tout moment. Nous y serons, et nous allons en ramasser plein la gueule. Je ne m’attendais pas - en plus ! - à tant de subtilité et peut-être même de sensibilité.
Je me suis énormément attaché aux personnages, notamment à cet enfant-soldat qui m’a impressionné par sa capacité à garder son âme, là où la plupart l’aurait déjà vendue au diable. Quelle résilience !
Ce récit est à lire, c’est même une évidence.