Le gibier, Nicolas Lebel
Le gibier
Nicolas Lebel
Éditions du Masque / 2021
389 pages
Nicolas Lebel nous éloigne ici de son personnage fétiche répondant au nom de Mehrlicht, ce flic taciturne et touchant que vous avez pu suivre à la trace en courant derrière les volutes de fumée de ses Gitane. Cependant, vous aurez l’occasion d’approcher deux autres flics, le commissaire Paul Starski et la lieutenante Chen, de la brigade criminelle de Paris.
Étant donné que lire un Lebel s’avère être digne d’une épopée rien qu’en côtoyant les personnages, je vais vous en dire deux ou trois mots.
Chen. Cette flic âpre, dure et excessivement pragmatique, est un phénomène rare. Sans aucun filtre et allant droit au but, il faut reconnaître qu’elle obtient rapidement des résultats.
Cette femme dénuée de compassion et d’émotion - limite inhumaine - est « l’antithèse » du commissaire Starski qui, lui, préfère largement user de tact et de savoir-vivre. Ce binôme dépareillé va vous surprendre plus d’une fois par son efficacité. Le savoir-vivre est unilatéral, mais le savoir-faire est total. Finalement, un équilibre entre une personne trop franche, et l’autre peut-être pas assez. Est-ce une affaire de courage ?
Cette intrigue, qui débute sur un double homicide, ou double suicide, ou un mélange des deux, s’apparente davantage à une sérieuse équation à plusieurs inconnues. Ce que nous savons, par contre, c’est qu’une chasse à l’homme est en cours pour des motifs peu clairs. Nicolas Lebel décide de ne pas trop en dire ! L’enchaînement des événements va ajouter quelques anicroches à cette formule qui va gagner encore davantage en complexité et impétuosité.
Du point de vue localisation et époque, si l'on se fie au profil des personnages, nous pouvons en toute logique nous orienter vers l’Afrique du Sud. Et si l’on s’appuie sur les dates évoquées dans cette enquête, nous pouvons même suggérer que certains fantômes de l’Apartheid se sont animés.
Nicolas Lebel évoque clairement la chasse dans ce récit, une chasse à courre effectuée dans les règles de l’art, un parallèle qui fait froid dans le dos. Une personne a été désignée et - surtout - sera considérée comme du gibier à lever, à renifler, à piéger, à fatiguer ou encore à coincer, puis peut-être à abattre. Le terme « gibier » est violent, mais incontestablement juste.
Vers le dénouement, il sera essentiel pour nous comme pour les enquêteurs de trouver le lien qui relie tout ce que l’auteur a mis en vrac dans notre besace. En regardant de temps en temps dans ce sac, on se dit « Ah oui ! », mais finalement non … Les pièces du puzzle sont au complet, mais pas encore assemblées.
Ce dénouement, il est tout simplement prodigieux. Je ne sais pas trop comment en parler, alors je n’en dirai pas grand-chose. C’est fascinant. Nicolas Lebel nous raconte une histoire, et peut-être qu’il va nous en raconter une autre. Vous ne comprenez rien ? C’est normal. Retenez peut-être que la vie - un jeu de rôles interchangeables ? - est parfois un éternel recommencement. La rigueur, la précision et l’anticipation seront les grands gagnants de cette histoire.
Chapeau bas, Nicolas Lebel ! Bluffé …
Bonne lecture.