L'enclave, Nicolas Druart
L’enclave
Nicolas Druart
Éditions Harpert Collins / 2021
456 pages
Il n’y a pas que le vin qui se bonifie avec le temps. Avec ce nouveau millésime, Nicolas Druart, dont je suis l’évolution avec une grande attention, a vraiment ce petit truc en plus. J’ai eu la même sensation en découvrant les débuts de Franck Thilliez, c’est dire ! Cet auteur réussit à chaque fois à me dérouter en déroulant des dénouements franchement maîtrisés et improbables. Ici, la structure est travaillée jusque dans les moindres détails.
Vous croyez aux légendes ? Celles qui donnent la pétoche, celles qu’on raconte aux gosses un peu trop turbulents, comme pour figer leurs mouvements. Nicolas Druart nous mènera dans cette direction en se servant d’une vieille légende venue tout droit de l’Aveyron.
Dans ma chronique sur son bouquin précédent, j’avais déclaré haut et fort que Nicolas Druart savait placer une ambiance, que cela soit en termes de personnages ou d’environnement. C’est très vivant, humain et animé. On se sent immédiatement concernés lorsqu’on s’approche de ses personnages qui, il faut le dire, nous ressemblent.
Quant à l’environnement, ici, il deviendra de plus en plus glauque et vous vous sentirez également très vite concernés ! Bon dieu, il va plutôt loin à ce niveau-là.
Qu’allons-nous faire en fait dans l’Aveyron ? On n’atterrit pas là-bas par hasard. Nous allons accompagner un groupe de jeunes adultes, présentant un handicap mental, encadrés par leurs deux responsables. Un week-end en plein air dans un camping pour oublier un peu le stress de la capitale.
Ce camping plutôt crasseux et peu engageant sera, au fil de l’intrigue, le moindre de leurs soucis. Les vieilles légendes font parfois sourire, mais elles peuvent également parfois faire mourir.
Je tiens réellement à tirer mon chapeau à l’auteur. Dérouler une telle trame était pour moi risqué et pouvait vite aboutir sur un mauvais roman. Une vallée un peu isolée, une petite bourgade tranquille, des villageois étranglés dans leur mutisme, des rumeurs, des non-dits, une vieille légende, une Omerta liée à la peur ; c’est plutôt du classique. Et bien non. Notre auteur nous le coupe radicalement ! Le souffle donc.
L’environnement sera le personnage fort de cette intrigue et c’est le terme « inquiétant » qui me vient tout de suite à l’esprit. Cette atmosphère est troublante et regorge d’ambiguïté. Une sorte de flottement ou d’incertitude nous tiennent en haleine, pour ne pas dire en apnée. Cette ambiance est très paradoxale, car nous déambulons dans un décor plutôt avenant mais totalement hors du temps, une ambiance de mort. L’auteur va beaucoup jouer là-dessus …
L’Enclave, près du petit village de Buzac, est un ensemble de verdure, de lacs, de collines et de forêts, renfermant des fermes, du bétail et des gens vivant en totale autarcie. Mais c’est aussi un endroit où plus personne ne met les pieds depuis plus de 30 ans. Pourquoi ?
Cet endroit, nous aurons l’occasion de le découvrir de l’extérieur et de l’intérieur. Le scénario imaginé par l’auteur nous laissera donc la possibilité de nous imprégner de ce coin en nous positionnant de toutes parts. Personne ne rentre dans l’Enclave, mais personne n’en sort non plus. Intrigant non ?
Une enquête criminelle, diligentée par la gendarmerie du coin, nous mènera peut-être vers toutes les réponses que nous cherchons. Je ne vais pas en dire beaucoup plus. Nicolas Druart arrive à maintenir la pression en soufflant sans arrêt sur les braises et l’image qui apparaît au fil des pages fait plutôt froid dans le dos.
Et il y a ce dénouement …
Bonne lecture.