La Vallée, Bernard Minier

Publié le par Pascal K.

La Vallée 
Bernard Minier 
XO Éditions / 2020
522 pages

Ce que j’apprécie dans l’univers de Bernard Minier, c’est que nous nous retrouvons souvent face à un personnage important - imposant ! - qui se déploie devant nous au fil des pages, en révélant toute sa splendeur et sa prestance : le décor.

Durant cette lecture atmosphérique, une pluie diluvienne viendra vous fouetter le visage pendant que les pages de votre bouquin tourneront toutes seules devant vous, entraînées par de violentes rafales de vent. Elles vont ensuite s’imprégner d’une moiteur gênante, incommodante, provoquée par une chaleur aux allures tropicales. Dès cet instant, vous comprenez que vous êtes - à nouveau ? - face à une toile de fond dépeinte par l’auteur !

Nous retrouvons notre flic toulousain, Martin Servaz, qui stagne au beau milieu d’une procédure pénale et disciplinaire, ce qui équivaut à se retrouver face à un mur en béton armé. Mais, paradoxalement, il est devenu serein, même heureux ? Mais ça, c’était avant que le passé ne refasse surface, au beau milieu de la nuit, par un appel. Et le passé, pour cet homme, c’est un sacré bordel ! (Lire les tomes précédents).

Ce coup de fil désespéré va le conduire dans les Pyrénées, au beau milieu d’une vallée coupée du monde. En solitaire, il va aller rejoindre un pan éloigné de son existence, en renouant avec un morceau indigeste d’un parcours qui lui reste encore en travers de la gorge.

L’auteur a bien compris que nous étions très attachés - corps et âme ! - aux personnages de ses récits. Il réussit ici à nous placer face à une sorte de continuité que nous attendions peut-être, même d’une manière inconsciente. Quelle claque, lorsque j’y repense.

Nous allons nous enfermer avec Servaz dans ce décor oppressant, s’apparentant davantage à une souricière qu’à un havre de paix, où de spectaculaires mises en scène aussi sordides que morbides, semblent secouer cette région ordinairement calme. Certains éléments de cette enquête criminelle vont carrément lui éclater au visage, laissant comme conséquence - un peu partout autour de lui - quelques lambeaux de son propre passé.

Bernard Minier, avec ce huis-clos très aérien, humide et accidenté, nous place - ainsi que ses personnages ! - face aux agissements d’un prédateur plutôt coriace, malin, présentant des pathologies éminemment surprenantes ! Un rapace qui survole son secteur et semble le dominer à la perfection. Un être pernicieux doté d’une peau de caméléon !

En marge de cette trame, l’auteur n’oubliera pas de nous rappeler, par le biais de ses personnages, quelques dysfonctionnements sociétaux, à l’image du flic qui se fait tirer dessus à boulets rouges, juste parce qu’il a eu le malheur de choisir cette profession, ou d’une France qui dérive, dérape et se perd - se noie !

Les personnages adoptent dans ce récit des comportements équivoques, troubles et assez inquiétants. Certains protagonistes, dotés d’un caractère forgé au fer rouge, mais peut-être aussi légèrement déréglé, vont certainement vous faire tressaillir par leur attitude.

Si vous voulez trouver des réponses à cette intrigue, il faudra simplement vous demander où nous en sommes aujourd’hui sur le plan humain, judiciaire ou communautaire. Qu’est-ce qui peut bien pousser un être humain à agir violemment ? L’orgueil, la haine, la vengeance, la manipulation, la souffrance ? Ou alors un mélange de tout ceci ?

Bernard Minier lie à merveille cette intrigue criminelle aux faits de société actuelle ou à la nature humaine. Au final, c’est toujours la même essence qui brûle en nous et qui est susceptible de provoquer un incendie à tout moment, depuis la nuit des temps, à quelques nuances près !

L’être humain est complexe, mais ne change pas vraiment ! Une part de violence est ancrée en chacun de nous. Il suffit juste d’actionner le bon détonateur pour l’activer.

Bonne lecture.

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A
Servaz - Les Pyrénées, normal, quoi !
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P
Oui, Normal ! :-)