Leena, Jan Länden
Leena
Jan Länden
Éditions Slatkine / 2021
383 pages
Étant également flic, je n’ai pu qu’apprécier la rigueur dont a fait preuve l’auteur pour déployer cette intrigue. C’est propre, complet, méthodique ; rien à redire. Le rythme de cette enquête est très rationnel et rappelle bien ce que peuvent vivre des enquêteurs de la police judiciaire, avec les frustrations, les attentes – eh oui ! -, les fausses joies, les satisfactions - parfois éphémères -, les coups de chances, les coups de sang ou les coups de « maître ».
Quant à la progression de l’intrigue, je l’ai considérée comme étant très habile. Nous sommes sur une « simple » affaire d’homicide perpétrée à Genève qui, de fil en aiguille, s’apparente davantage à un volet lié à une opération mafieuse. Ce que je veux dire par là, c’est que nous passons d’une activité ordinaire de flics de la police judiciaire à une affaire conséquente et inhabituelle, pour ne pas dire extraordinaire, avec beaucoup de cohérence et de « normalité ». Cette construction, qui aurait très vite pu s’écrouler, a non seulement tenu le coup, mais s’est même solidifiée en cours de route.
Cette enquête, que nous suivons de très près en compagnie de la PJ genevoise - entre autres -, nous fait glisser toujours un peu plus vers une affaire complexe aux ramifications internationales, impliquant la mafia calabraise, la Ndrangheta. Les parties du bouquin impliquant cette organisation sont intenses et tendues !
C’est fluide, ça avance. Ces personnages, qui ont été couchés sur le papier, se relèvent finalement d’eux-mêmes pour gérer leur propre évolution. Autrement dit, ils se révèlent comme étant très accomplis, dotés d’un solide caractère. Leena, personnage bien mis en évidence dans ce récit, en est l’exemple. Cette flic, accrocheuse, courageuse et instinctive, m’a vraiment touché avec son esprit de groupe. Une meneuse d’hommes !
Jan Länden déploie cette enquête tentaculaire avec une bonne dose de pragmatisme. Il est évident que le fait d’être flic peut fournir une aide considérable pour écrire un polar, mais cela ne fait pas tout. Il ne nous a heureusement pas fait l’affront de nous donner un cours éducatif sur les tactiques et techniques policières, ou même un résumé détaillé des procédures de flics. Si si, je l’ai déjà vu plus d’une fois.
L’auteur a trouvé le bon équilibre pour céder au lecteur quelques ficelles du métier, sans pour autant le noyer dans les méandres des procédures.
Cette enquête, lourde - surtout de conséquence -, va s’orienter vers un univers qui dépasse largement la norme de ce à quoi peut s’attendre la sphère judiciaire genevoise. L’auteur gère le rythme de ce polar tel un chef d’orchestre, en ne laissant passer aucune fausse note et en étant très attentif sur la cadence. L’allure d’une enquête criminelle ne s’invente pas.
Entre Genève, Lausanne, Turin, La Haye, New-York ou encore Belgrade, le lecteur va pouvoir suivre une enquête complexe et délicate dotée d’un réalisme remarquable. « Enclavés » entre les fameux braqueurs Pinks Panthers et la mafia calabraise, nos enquêteurs vont devoir faire preuve de pas mal d’aplomb et de professionnalisme, mais aussi activer leurs meilleurs contacts pour boucler cette affaire. Les contacts … La base ! Pour les deux camps …
Jan Länden, parvenant à maintenir une forte tension jusqu’à la dernière page, nous balance un dénouement qui est à l’image de l’ensemble de l’œuvre : intelligent, logique et habile. Je pense que nous n’en avons pas encore fini avec cette affaire. Et Leena … Il faut absolument qu’elle revienne. D’une part, je ne la vois pas rester inactive (!!) et, d’autre part, elle ne nous a pas encore tout dit.
A lire, bien évidemment !