Les protégés de Sainte Kinga, Marc Voltenauer

Publié le par Pascal K.

Les protégés de Sainte Kinga
Marc Voltenauer 
Éditions Slatkine&Cie / 2020
542 pages 

Marc Voltenauer a décidé de nous emmener cette fois-ci dans la région de Bex, dans le canton de Vaud, à des époques bien distinctes. Des kilomètres de labyrinthes et de nombreuses galeries, composant l’environnement des Mines de sel - que vous pouvez d’ailleurs visiter ! -, seront le point de convergence des différentes époques que nous allons traverser. Un enfer digne de Dédale.

L’une de nos missions de lecteurs consistera à établir le lien entre une prise d’otages actuelle aux Mines de sel, impliquant notamment une classe d’école, et un mineur polonais, Aaron Salzberg, débarqué en 1826 dans cette même Mine de sel. 

Je dois dire que j’ai fort bien apprécié la partie « flic », notamment avec le volet négociation de cette prise d’otages. Je ne suis pas un pro de la négo, mais le schéma m’a semblé très cohérent. L’enquête, en général, s’avère très réaliste et là, par contre, je peux me permettre de parler en connaissance de cause. 

Le profil atypique et les motivations des preneurs d’otages sont également un atout majeur dans cette histoire chargée de tension. Le schéma triangulaire « Prise d’otages » - « Environnement de la mine au début du XIXème siècle » et « Présentation progressive du/des preneur(s) d’otages » est intéressant à suivre. C’est plutôt bien vu. 

Le rythme est lent, intense et rapide à la fois, dépendant des scènes qui défilent devant nos yeux, à savoir la vie de la mine dans les années 1800 et cette prise d’otages. Soit dit en passant, la partie se déroulant dans le passé est très bien réalisée, qu’il s’agisse des termes utilisés, des personnages, de l’atmosphère, soit un bon rendu général de cette époque. On s’y croirait presque. 

Entre un preneur d’otages aussi meurtri que radical et engagé, se servant du personnage de Charlot - pas anodin ! - pour communiquer et s’exprimer, un groupe d’extrême-droite en très mauvaise posture, une famille afghane en sursis ou encore l’extermination de juifs dans le ghetto de Bochnia, en Pologne, Marc Voltenauer nous enfouit dans l’univers du sel et des mines où tout semble se jouer, où tout semble avoir commencé. L’intrigue qui se dévoile toujours un peu plus, complexe et fluide à la fois, est très bien amenée. 

Petit clin d’œil, nous voyagerons même un moment avec le père des Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas, qui aurait visité les Mines de sel en 1832. Peut-être plus qu’un clin d’œil, allez savoir ... 

C’est original, subtil. L’auteur dénonce et place en exergue quelques valeurs qui semblent s’effacer toujours davantage au sein de notre société, à savoir l’égalité, le respect ou encore la tolérance. Quoi de mieux que de mettre en scène l’univers de Charlot pour faire émerger ces notions. J’ai beaucoup aimé ce point-là ! Et il y aura peut-être encore quelques concepts qu’il ne faudra pas négliger dans ce récit : la rédemption, la vengeance ou la haine.

Il y a eu du chemin entre « Le dragon du Muveran » et ce récit ! C’est très personnel comme remarque mais l’auteur doit certainement savoir de quoi je parle. Comme un bon vin, Marc Voltenauer - du moins son écriture, peut-être lui aussi ! - se bonifie avec le temps. Très bon cru !

Bonne lecture. 

Publié dans Littérature suisse

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