Souviens-toi de Sarah - Page Comann
Souviens-toi de Sarah
Page Comann
M+ Éditions / 2024
570 pages
Église catholique, sévices, bébés volés, jeunes filles violées, martyrisées, bafouées, re violées. Tous ces termes vont cruellement et indiscutablement bien ensemble.
« Page Comann » est le pseudo de deux auteurs que j’affectionne, Ian Manook et Gérard Coquet, ceci pour leur mise en scène de personnages aussi forts, consistants et rustiques que les régions dans lesquelles ils évoluent. Et ça, ça n’a pas de prix.
Un manuscrit anonyme atterrit sur le bureau d’une éditrice, à Londres. Il s’agit en fait d’un journal intime écrit par une prénommée Sarah, une orpheline irlandaise née en 1950, un journal témoignant de sévices, de viols, de malheurs et d’horreurs. C’est poignant.
En compagnie de l’éditrice, nous allons découvrir l’adolescence chaotique de cette Sarah, par le biais de ce journal qui sera notre fil rouge dégoulinant de désillusions et de violences. L’éditrice, quant à elle, va suivre les traces de cette Sarah pour tenter, d’une part, de la retrouver et, d’autre part, pour vérifier la véracité de ce récit écrit il y a 50 ans. Je peux vous assurer que vous allez vivre ici une sacrée aventure à 200 km/h. Je ne m’y attendais pas.
Et quelles ambiances ! Années 60 ; Entre les quartiers sombres de beuveries, violents et malsains de Londres, l’orphelinat catholique de la ville de Tuam, en Irlande, qui est à l’origine d’un énorme scandale (des restes de 800 enfants retrouvés enfouis sous le bâtiment en 2016), les contrées éloignées d’Ecosse où tu es reçu avec autant de dureté que de bienveillance, ou encore un Glasgow sur le déclin qui propose un peu tous les vices, l’auteur nous offre un voyage émotionnel aussi fort que mouvementé.
Cette histoire est déchirante, désespérante et remarquable à la fois. Elle s’abreuve de malchances, de naïveté, d’abus et de mauvais choix, mais aussi d’une forte dose d’amour et d’espoir.
Les représentants de l’église sont ici à l’honneur. Celui de confirmer leur réputation de désaxés sexuels, de pervers et d’abuseurs, mais aussi de démontrer jusqu’où ils sont prêts à aller dans l’abject et le mépris pour couvrir les péchés charnels de leurs confrères, quitte à faire culpabiliser les victimes. Bref, fidèles à eux-mêmes. La "curaille" ne sera d'ailleurs pas les seuls ici à mettre en avant leur déviance de "nobles" pourritures, vous verrez.
Ce récit suit une structure solide et efficace pour nous enfouir au plus près des événements relatés dans le journal intime, puis pour nous déposer à nouveau dans un présent qui retrace ce passé. Nous sommes des témoins privilégiés ayant l’opportunité de naviguer à travers deux époques denses et parfois pesantes. Les transitions sont impeccables, efficaces et nous relancent parfaitement bien dans chacune des périodes.
J’ai été touché par cette histoire qui agite tous nos sens, ainsi que notre cœur. Je me suis attaché aux personnages et, ça aussi, cela n’a pas de prix. A lire.