Le sang noir des hommes - Julien Suaudeau
Le sang noir des hommes
Julien Suaudeau
Éditions Points / 2019
290 pages
Dans les Alpes-Maritimes, près de la frontière italienne, se construit la station de ski Isola 2000. Nous sommes en 1973. Cette année-là, les deux garçons du « Seigneur » des lieux - grand con prétentieux - vont naître, mais de deux femmes différentes. Éric et Sylvain. Deux demi-frères qui ne vont pas aborder la vie de la même manière, mais qui vont partager la même tristesse de vivre.
Nous allons les suivre quelques années, au gré des chapitres, pour enfin arriver vers un intense et triste présent. Le thème de la vengeance va forcément pointer le bout de son nez. Mais pas seulement. Peut-être aussi celui de la réparation.
Entre les Alpes du sud et l’Afrique de l’Ouest, l’auteur va nous présenter deux personnages dotés d’un remarquable caractère, l’ambiance et l’environnement. C’est au sein de cette atmosphère que l’auteur va nous surprendre, avec une écriture plus que maîtrisée, délirante, singulière et quelque peu hallucinante.
Julien Suaudeau traite ici de l’esclavagisme avec une approche brutale, spontanée, mais aussi - paradoxalement ! - d’une manière très délicate et vraiment subtile. La temporalité joue également un rôle essentiel dans ce récit. Bref, c’est assez ingénieux et, bonheur total, c’est original !
Sur trois générations, l’auteur, avec un peu de magie, nous livre sur un plateau les âmes torturées de quelques personnages, que cela soit en Afrique, lors de la colonisation - le pillage ! - française, ou dans les Alpes du sud, en compagnie d’une famille à la descendance quelque peu perturbée.
C’est en appuyant constamment sur les touches « retour » et « avancer » que nous allons finir par comprendre quels rôles ont vraiment joué les protagonistes qui nous accompagnent dans ce récit.
Le volet se déroulant en Afrique de l’Ouest ne fait pas la part belle à la République française qui a, durant des années, pillé les ressources et les âmes d’une terre qui ne leur a jamais appartenu. « Au nom de la République », il y a tout de même eu une sacrée merde.
Mis à part quelques passages assez perchés, peut-être un peu trop pour moi, j’ai apprécié la puissance de ce récit, d’un point de vue humain. J’ai trouvé intéressant l’angle d’approche que l’auteur a décidé d’aborder pour traiter le thème de la culpabilité, sur des événements qui ne peuvent évidemment plus être modifiés. Car on ne change plus le passé ... Mais en êtes-vous sûrs ?