La cour des mirages - Benjamin Dierstein

Publié le par Pascal K.

La cour des mirages
Benjamin Dierstein

Éditions Les Arènes / 2022
845 pages

Ce pavé de plus de 800 pages est une bombe. Le lâcher sur votre tête depuis le 10ème étage vous fera sans doute le même effet que de le lire. Un grand choc. Attention, il s'agit d'une trilogie et, à mon sens, il serait judicieux d'avoir lu les précédents. Etant donné que je l'ignorais, je ne l'ai pas fait et je le regrette un peu, principalement pour le suivi des personnages. 

C’est vers un univers très noir et bien pessimiste que l’auteur nous emmène. Un univers également pourri car, évidemment, on frôle de près la sphère politique. Entre police et gouvernement, on s’attaque, on se fouette dans les jambes, on mute, on est muté, on est viré, on s’épie, on se tient par les couilles, on dégueule dans le dos, lorsque ce n’est pas carrément sur les chaussures. Entre la droite et la gauche, c’est la guerre. Une guerre en sourdine qui fait pourtant beaucoup de bruit à force de foutre des coups de pied dans le cul. Vive la France !

C’est à travers ce climat politique plus que tendu que Laurence Verhaeghen, ex-flic à la DCRI, perd confiance, ses moyens, mais aussi son job aux Renseignements. Elle intègre bien malgré elle la PJ de Paris où elle retrouve son ancien collègue Gabriel Prigent.

Quel personnage ce Prigent ! Sa petite fille ayant disparu 6 ans auparavant dans le métro, cet homme est devenu un légume obèse et apathique, doublé d’une volonté de vivre inexistante. Pourtant, pour moi, ce flic dégage un charisme subjuguant. C’est paradoxal. Même dans la dépression totale, ce personnage me fascine. C’est un très bon flic.

Une enquête criminelle sensible et dérangeante va conduire et aspirer Prigent, Verhaeghen et tout le groupe de la PJ vers un fossé rempli de fiente. Ressortir indemne d’une telle enquête relèvera du miracle. On traite dans ce récit de la pédophilie, de ses réseaux, ses couvertures, ses détracteurs mais aussi de ses adorateurs. C’est vaste, compliqué, noueux et, il faut le dire, très bien rodé.

Benjamin Dierstein entraîne le lecteur à travers les nombreuses pages de son bouquin avec une écriture tout simplement exceptionnelle. Le charisme des personnages, les interactions piquantes et acides ou encore le contexte général de ce récit nous poussent à bouffer et avaler les pages sans faire de pause. Oui, c’est un véritable page-turner. Et, comme je l’ai dit, il y a cette écriture. C’est vif, rythmé, sec, franc, saccadé. J’adore ça. Ce rythme effréné à travers cette noirceur étouffante donne un résultat qui m’a littéralement absorbé. C’est une écriture folle, agitée, très rapide, qui frôle la folie à tout moment.

Il y a aussi une certaine dureté qui risquera de vous atteindre. Lorsque l’on touche aux enfants, ça éveille une haine difficilement maîtrisable. Ici, c’est franchement extrême et l’auteur ne prendra pas la peine de vous préserver. Au contraire, c’est cash, c’est à gerber, mais c’est aussi une triste réalité. Côté enquête, je tire mon chapeau à l’auteur pour la qualité du volet traitant de la pédophilie. Connaissant quelque peu les méthodes d’enquête à ce sujet, je dois admettre que c’est franchement pro.

L’univers de ce bouquin est globalement dur et sombre. La plupart des personnages en bavent, sont à bout et avancent en se trainant sur les genoux sur un sol jonché de cailloux acérés. Verhaeghen et Prigent, même combat. Ces deux personnages charismatiques au fort caractère progressent dans une vie qui leur lance des piques dans la gueule à chaque pas effectué.

Mêlant politique, magouilles - pléonasme ? - et réseaux pédophiles, l’auteur nous entraine vers un puit sans fond dans lequel certaines personnes tentent d’aller jusqu’où bout, quelles que soient les méthodes. C’est tendu, la pression est au max, ça ne peut qu’éclater. Mener une enquête plus que sensible incluant des protagonistes plus que connus, c’est chaud. Bienvenue à vous dans cet univers aussi moisi que médiatique ! Les médias, justement, seront omniprésents dans ce récit. Montez le son de la radio, c’est intéressant.

Bonne lecture, et bonne chance.

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F
Merci pour cet article intéressant, donnant envie de lire la Cour des Mirages? Aviez-vous lu les 2 volumes précédents La sirène qui fume, La défaite des idoles ? Dans certains blogs, certains auteurs conseillent de lire dans l'ordre les ouvrages de cette trilogie afin de savourer La cour des mirages et d'apprécier les personnages Laurence Verhaeghen et Gabriel Prigent. Apparemment, non devant votre enthousiasme. Merci de os billets.
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P
Bonjour, merci pour votre message. Alors si, j'admets que j'ai été parfois frustré de ne pas les avoir lus. L'auteur y fait souvent référence et je dois dire que cela m'a parfois gêné. Je vais ajouter ce point dans ma chronique. Lors de ma lecture, je ne savais pas que c'était une trilogie et je le regrette.