La peine du bourreau, Estelle Tharreau
La peine du bourreau
Estelle Tharreau
Taurnada Éditions / 2020
250 pages
Quel coup de poing dans le bide ! Ce récit est aussi douloureux, effroyable que réaliste, pour ne pas dire réel, évidemment. L’auteure ne va pas par quatre chemins pour dénoncer les dérives - le terme est très faible ! - qui ont contribué à constituer une partie de l’Histoire du Texas, lieu où les incultes vont au culte pour se laver la conscience. La peine capitale, le racisme, la pauvreté ou encore les préjugés en seront les dénominateurs communs. Mais aussi - surtout ! - la justice ! Un vaste débat qui m’interpelle et me fascine depuis de nombreuses années. Qu’est-ce qui est juste et par rapport à quoi … ?
Je vous livre d’abord mes impressions et, ensuite, je vous donnerai deux ou trois infos sur l’histoire qui nous est proposée.
Aïe, l’auteure fait fort ! Entre le parcours de vie bouleversant d’un Texan - pourtant coupable - prêt à être exécuté, la longue diatribe d’un vieux bourreau - la peine du bourreau ! - qui s’avère être un homme aussi cash qu’émouvant et le contexte social de cet État qui est limite à vomir, encore davantage à l’époque, nous sommes face à un récit terriblement dur, désarmant, poignant et basé sur un certain dilemme.
L’auteure impose et déploie devant le lecteur un kaléidoscope assemblé d'images précises que les gens ne veulent peut-être pas voir, et encore moins comprendre. Elle amène, d’une certaine manière, le fait divers vers une pleine conscience, d’un point de vue humain. Ce dernier reste ici au centre de tout.
Le lieu de ce récit est fondamental. Être texan, c’est tenir une bible dans une main - pour l’éclater contre la gueule d’un noir en murmurant amen ? - et une arme dans l’autre - pour éventuellement abattre son voisin qui crie un peu trop fort ? Quel bel Etat conservateur de faux-cul, les fesses stagnant dans un bénitier.
Avec cette œuvre, l’auteure pointe du doigt une justice qui vacille et qui tangue, une justice qui ne la rend finalement pas toujours. Tant qu’il y aura des hommes pour juger – tuer - d’autres hommes, ça restera très compliqué. Voire impossible, non ?
Tout est relatif. Estelle Tharreau nous enferme dans un putain de cercle vicieux où la barrière séparant les rôles de coupable et de victime n’est pas toujours si solide. La justice des hommes est ce qu’elle est et on souhaiterait parfois qu’elle représente davantage des valeurs telle que la morale. Mais ce n’est pas si évident.
Au final, l’auteure dresse ici le portrait de deux hommes qui ont contribué à rendre justice, en ayant endossé des rôles bien différents. Quoique. Encore une fois, qu’est-ce qui est bien ou mal, juste ou faux ? Est-ce aux hommes de répondre à cela ? Qui peut vraiment se permettre de répondre légitimement et moralement à ces questions ?
« Ce qui est juste et la justice sont deux choses très différentes. »
Bref, le dilemme s’offrira également à nous, lecteurs, car Estelle Tharreau nous nourrira à coups de becquées composées d’exemples éloquents mais qui ne pourront pas vraiment nous permettre de trancher clairement.
Ce récit très sombre vous terrassera certainement, en vous écrasant sous le poids de la crétinerie humaine, de l’injustice et peut-être même sous celui d’une certaine indifférence lorsqu’il s’agit de mettre l’humain dans l’équation.
Le récit en quelques mots ? Un assassin traîne dans le couloir de la mort d’une prison texane depuis 10 ans. Ce soir, il est transféré dans sa dernière prison, dans sa dernière demeure, pour être exécuté. Il reste quatre heures.
Pour pouvoir se prononcer avec certitude sur une éventuelle grâce, le gouverneur demande à s’entretenir officieusement avec le « bourreau » qui s’apprête à pratiquer l’exécution, sa dernière. Le "bourreau", c’est le vieux shérif McCoy et, à la demande du gouverneur, il va lui relater ses 42 ans d’exécutions. Nous allons vivre ces dernières heures en huis-clos, avec ces deux hommes, dans le couloir de la mort.
La demande du gouverneur n’est de loin pas anodine. Il veut connaître à travers les yeux et le cœur de ce bourreau expérimenté ce que représente pour lui la peine de mort. Nous sommes au Texas et, dans cet État, la peine capitale et la ségrégation est limite une institution. La conversation risque d’être profonde ! Et cela sera le cas.
A lire.