Heresix, Nicolas Feuz

Publié le par Pascal K.

Heresix
Nicolas Feuz

Slatkine&Cie / 2021
285 pages

Nous avons souvent l’occasion de voyager en traversant les récits de Nicolas Feuz. Une première escale aurait pu vous laisser ici l’opportunité de vous baigner du soleil de l’Hérault, en région Occitanie, mais vous n’aurez cependant pas le temps d’en ressentir la chaleur avant de plonger dans l’horreur. Ça va vite.

Aujourd’hui, à Saint-Thibéry, on enterre une flic, ce qui est déjà bien fâcheux. Mais six hommes aux yeux crevés, entrant à poil à la « queue leu leu » dans l’église, suppliant de l’aide, rendent la situation carrément moche ! « HERESIX » étant gravé sur leur torse, ce prologue donnerait-il un avant-goût prononcé de vengeance ?

Nicolas Feuz, qui part en croisade dans ce nouveau millésime, met en scène des femmes humiliées, des hommes humiliants et intouchables, des politicards et représentants de l’autorité pieds et poings liés - forcément ... !  -, mais aussi un justicier, un redresseur de tort, un punisseur du vice. « Quelqu’un » semble vouloir rétablir les bonnes mœurs à la sauce moyenâgeuse !

Passé et présent vont se chevaucher à de nombreuses reprises pour finalement s’accorder et converger vers une vérité qui risque de vous méduser. Eh oui, l’auteur va vous balader, dans tous les sens du terme.

Sur fond de croisade languedocienne, lors de laquelle l’Eglise catholique romaine entama, au début du XIIIème siècle, une chasse monumentale contre l’hérésie cathare, l’auteur monte une intrigue qui nous oriente vers le monde de la débauche occitane, dans la région du Cap d’Agde. Le romantisme n’étant pas le leitmotiv de ce roman, la dignité et l’estime de la femme vont véritablement en prendre un sacré coup. Ce récit n’est de loin pas une ode à la femme, mais davantage une horde sur la femme.

Quoi qu’il en soit, l’auteur pointe du doigt un problème bien trop récurrent qui frappe - terme que j’ai bien choisi ... - notre société.

Il nous entraînera donc dans le milieu du cul, mais nous étouffera également en nous enterrant dans celui de la pédophilie. J’utilise le terme « enterrer », car cette atmosphère nauséabonde et ces pratiques inqualifiables, personnellement, m’empêchent de respirer normalement et me donnent la nausée, si ce ne sont des envies de meurtre.

Nicolas Feuz ne vous épargnera pas ; alors âmes sensibles, faites attention où vous posez les pieds.

L’auteur met en place cette intrigue avec beaucoup de rigueur. Au niveau de la complexité temporelle - ce qu’il semble aimer ! -, c’est très bien amené. Encore une fois, cette manière de procéder risque de vous déstabiliser. Les pièces du puzzle s’emboîtent tellement bien - l’effet Cap d’Agde ... ? - qu’elles semblent carrément soudées entre elles.

Quant au dénouement, une fois n’est pas coutume, Nicolas Feuz se joue de nous. Même si vous pensez avoir pris le bon chemin menant à la vérité - votre vérité ? -, oubliez-le et revenez sur vos pas, vous allez de toute manière vous égarer. L’auteur, avec un peu d’avance, va emprunter des chemins de traverse que vous ne risquez pas d’apercevoir, sauf si vous avez été plus perspicace que moi ! Les traces qu’il va laisser derrière lui seront déjà recouverte de poussière.

Quelle intrigue ! La douleur et la souffrance ont une excellente mémoire, ne l’oubliez jamais.

Joli coup de bluff !

À lire.

Publié dans Littérature suisse

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