La chasse, Bernard Minier
La chasse
Bernard Minier
XO Éditions / 2021
468 pages
Je dois admettre que j’étais impatient de renouer avec notre flic Martin Servaz, que nous abandonnions au bout de « La vallée », face à son lourd passé, un morceau indigeste de son existence sans doute resté en travers de la gorge.
Dans « La vallée », justement, Bernard Minier liait déjà à merveille son intrigue criminelle aux faits de société actuelle ou à la nature humaine. Ici, il ira dans une même direction, mais en poussant encore davantage le vice.
Par cette enquête criminelle, sur fond de pandémie, il va décortiquer et analyser une société qui va de plus en plus mal, de plus en plus loin – mais où ? - et qui commence à nous dépasser complètement. Et pourtant ... C’est bien nous qui la façonnons et la composons. L’auteur nous en fera une synthèse qui ne manquera pas de pertinence et, surtout, de clairvoyance.
L’auteur tape un peu là où ça fait mal, soit sur une gestion de l’ordre public qui devient terriblement fragile, sensible, voire impossible, suite au grand manque de confiance accordé à la justice, à la police et, encore une fois, à la société. Eh oui, nous sommes là en pleine actualité. Stigmatisations, préjugés, flics assassins, police raciste, justice pour les riches, tout y passe. Ça devient rude ! Et lorsque la presse s’en mêle …
Bernard Minier pointera également du doigt l’ampleur de l’hypocrisie qui règne sur la gestion de la criminalité ou la largeur des œillères que place la société sur ses yeux pour éviter d’être confrontée aux problèmes qu’elle a engendrés, qu’elle n’a jamais su gérer ou même voulu vraiment assumer.
L’auteur nous confrontera également à une société qui n’ose plus s’exprimer librement - même penser librement ! - par peur d’être taxé de racistes manquant cruellement de tolérance et de compréhension.
Est-ce la société qui crée la délinquance par son incompétence ou ses solutions de facilité ? La justice est-elle juste, efficace, impartiale, efficace ?
Quoiqu’il en soit, cette dernière question demeurera cruciale et déterminante dans cette intrigue. J’irais même plus loin : qu’est-ce que la justice, finalement ? Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne peut pas contenter tout le monde.
Ce thème est abordé d’une manière très adroite ; c’est efficace et très cash. L’auteur se place en observateur et nous décrit ce qu’il perçoit. Pas de morale, pas de parti pris. Nous avons toutes et tous, d’une manière ou d’une autre, un certain sens de la justice. Ici, dans cette ambiance de couvre-feu lié au virus, d’émeutes et de violence, le système judiciaire prendra une sacrée claque dans la gueule, administrée à l’aller et au retour. Justifiée ? Encore une fois, toute la question est là.
Avoir le sens des valeurs, de l’honneur et de la justice est une qualité inestimable. Mais cela peut également engendrer une grande frustration.
Cette intrigue fait énormément réfléchir, vous le constaterez. Personnellement, j’ai du mal à me situer, à me placer dans une case. Vous comprendrez peut-être pourquoi je dis cela, ou peut-être pas. Rendre justice, c’est possible selon vous ? Et quelle justice précisément ?
Bonne lecture.