Gadjo Farel, André Blanc
Gadjo Farel
André Blanc
Éditions Jigal / 2021
310 pages
Ouvrir un bouquin d’André Blanc nous permet à chaque fois d’aborder des thèmes aussi réalistes que scandaleux. L’auteur n’hésite jamais à mettre en péril la réputation de certains notables, politiciens corrompus - pléonasme - ou même de l’Etat.
Les orgueilleux, les arrogants barbotant dans leur ego ou les pleutres indignes en prennent vraiment pour leur grade ! La réalité dépasse souvent la fiction et André Blanc l’a très bien compris. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher très loin pour dénicher de la corruption ou de la compromission. La pourriture stagne souvent à tous les niveaux. Plus c’est haut, plus c’est moisi et plus ça pue ...
Pour contrer cette déchéance humaine, il faut évidemment quelqu’un d’intègre, de juste, doté d’un certain courage et d’un grand sens de la justice. André Blanc a placé cette personne sur notre chemin et il répond au nom de Guillaume Farel, ancien militaire, flic charismatique et hargneux de la PJ de Lyon. Un personnage récurrent que j’ai appris à aimer et surtout à admirer pour son respect des valeurs humaines, pour son action directe et sa notion du groupe.
L’intrigue nous place face à la mort suspecte d’un riche industriel de la région lyonnaise, très impliqué sur un plan politique, social et financier. Les hautes sphères de l’Etat anticipent et commencent à verrouiller. Une enquête pour meurtre est ouverte et Guillaume Farel prend les commandes.
Nous côtoierons dans ce récit des représentants d’un peuple mixte aux origines diverses - c’est un peu flou -, mais qui se distingue par son activité ou son mode de vie : les yéniches. Ce peuple semi-nomade, très ancré dans les traditions, sera au cœur de cette intrigue.
André Blanc nous livre une enquête complète, complexe et sensible, agrémentée de dialogues, de confrontations - bras de fer ! - et de contacts tout aussi subtils que redoutables et musclés. L’un des tours de force de l’auteur réside d’ailleurs justement là, dans l’observation puis le développement des relations humaines, bonnes ou mauvaises. C’est rude !
L’auteur mêle l’enquête criminelle à la politique et le résultat ne peut qu’être explosif. La police, la justice et la sphère politique ne mènent pas toujours le même combat, malheureusement, peut-être même jamais. Faudra-t-il donc jouer serrer pour cloisonner une partie de l’enquête ?
Le rythme et la qualité de cette intrigue nous propulsent à travers les pages à grands coups de pieds au cul. Ce côté très réaliste nous donne une réelle impression d’y être ! L’enquête est solide, détaillée, impeccable.
Et puis il y a ce moment où tout bascule et là, je ne peux rien vous dévoiler. André Blanc a mis le feu aux poudres et nous laisse errer dans la fumée, dans un état de sidération totale. Tu poses le bouquin deux minutes et tu te dis « merde ». Ce rythme effréné que j’évoquais avant accélérera encore et nous ramasserons toute cette pression dans les dents.
Entre des politiciens pitoyables, misérables - faibles ! -, des flics jaloux, fielleux ou encore des magistrats paradoxalement diminués par le besoin viscéral de pouvoir ou l’ampleur de leur rancœur, André Blanc frappe fort au milieu de la table, ce qui a pour conséquence de déstabiliser tout ce qui se trouve autour. Le groupe Farel en fera partie et l’issue de cette brigade dépendra de la résistance et de l’intensité de la force de chacun de ses membres. Ça secoue !
Une menace importante est omniprésente et occasionnera, en cas d’exécution, un désastre civil majeur. Terrible, mais fascinant !
Cette lecture est jouissive. Dans la vie, la roue tourne toujours pour les lâches et les adeptes du mépris. Parfois, elle leur roule même sur la gueule ! Lorsque tu touches à Farel ou aux siens, tu devrais pertinemment savoir que tu as déclenché une guerre sans merci, sans aucune échappatoire !
Bonne lecture.