Robe de marié, Pierre Lemaitre

Publié le par Pascal K.

Robe de marié 
Pierre Lemaitre

Éditions Calmann-Lévy / 2009
Le Livre de Poche 
314 pages 

J’adhère totalement au style de Pierre Lemaitre, notamment pour son thriller « Alex », qui reste pour moi un grand coup de cœur. Avec « Au revoir là-haut », j’avoue également avoir reçu quelques salves d’émotions, alimentées en continue par une poudre bien noire ! 

Dans « Robe de marié », c’est le style, ou plutôt l’intonation sévère qui m’a interpellé. C’est froid, non ..., c’est glacial, brut et cash. Sans aucune fioriture, l’auteur nous déballe sèchement son récit, avec une écriture découpée à la serpe. C’est un débit qui me convient parfaitement !

Pierre Lemaitre a certainement dû jubiler comme un sadique en écrivant ce récit ! Surtout dans la seconde partie où il se complaît à bien nous tenailler ! 

La trame, il faut le dire, intrigue dès le départ ! Une femme, atteinte visiblement d’amnésie, se retrouve à côté du cadavre d’un petit enfant qu’elle est chargée de garder en tant que nounou. Nu, poignets et chevilles liés ensemble, étranglé, il gît dans son lit. 

Ni nous, lecteurs, ni cette femme sommes en mesure de dire ce qu’il s’est passé. Pour nous, c’est gérable, pour Sophie, la nounou, c’est plutôt problématique. Est-ce elle ? Un intrus ? D’autres circonstances ? Trou noir. Cette information ne se trouvera évidemment pas dans les nombreux carnets qu’elle noircit pour se souvenir ... 

Comme c’est gênant d’être dans la peau, ou plutôt dans la tête de cette femme ! C’est un peu ici le contraire de la célèbre phrase du chimiste Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme ». Ici tout se perd (la mémoire), tout se crée (les emmerdes), et il y a de fortes chances que tout se transforme (le futur) !

C’est une lecture stressante, une course, une débandade contre des murs infranchissables. Pierre Lemaitre ne vous laisse pas vraiment le temps de respirer entre chaque mot, chaque acte, chaque événement, comme si vous pédaliez dans une montée sans jamais atteindre le moindre plat.

C’est une lecture remplie de doutes. Tout est entrepris pour nous conduire vers l’incertitude. Ce qui est autant fascinant que dérangeant, c’est qu’on ne sait pas vraiment où l’on va. 

La structure de ce récit est pour moi un vrai coup de maître. L’auteur va « orienter plusieurs caméras » vers son histoire et, du coup, nous allons suivre les événements sous plusieurs angles. C’est fascinant ! L’un de ces angles de vue nous permettra, par exemple, d’en comprendre un autre. 

En plus d’être sèche et d’un froid clinique, l’écriture de ce récit va nous pousser vers une violence inouïe, doublée de sadisme ou encore d’une cruauté sans limite. Au fil des pages, nous allons aisément pouvoir répondre à la question « comment ? », mais il restera encore une question cruciale qui demeurera longtemps sans réponse : « pourquoi ?? ».

Je n’ai rarement vu autant de détermination, de patience et d’aplomb pour détruire une personne. Cette rage sournoise et silencieuse est tout simplement stupéfiante et fait froid dans le dos !

Bonne lecture. 

 

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A
Une lecture passionnante.
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P
Oh oui !