Les refuges, Jérôme Loubry --- Le poids de la culpabilité !
Les refuges
Jérôme Loubry
Éditions Calmann-Lévy / 2019
391 pages
Jérôme Loubry, avec « Le douzième chapitre », a placé la barre symbolisant le niveau de mes émotions de lecteur à un niveau assez élevé. Alors, lorsque j’ai ouvert celui-ci, directement après avoir refermé l’autre, je me suis dit que cela allait être difficile d’aller plus haut que le « le plus haut ». Mais, visiblement, tout est possible !
Comme dans « Le douzième chapitre », l’auteur nous pousse dans le dos, puis nous tire en arrière, par le collet, plusieurs fois de suite, pour que nous puissions observer les différentes périodes liées à son intrigue. J’aime assez ça. Mais attention, vous allez être bâtonnés jusqu'au cœur de vos synapses !
Pour l’une de ces époques, l’auteur nous tirera d’un coup sec jusqu’à l’après-guerre, où les répercutions ou persécutions de ce conflit sont encore bien enfouies dans les esprits.
Pour une autre, il nous poussera jusqu’au milieu des années 80. Nous suivons une jeune fille, Sandrine, qui débarque dans un petit village de Normandie, en tant que journaliste, et qui est contrainte d’aller vider la maison de sa grand-mère décédée, située sur une petite île près de la côte normande. Ah ! là, je m’arrête ! Parlons-en de cette île ...
Imaginez une île occupée seulement par quatre ou cinq habitants, installés là depuis les années 40, qui n’ont plus bougé depuis. Imaginez une île qui abritait, durant la guerre, un blockhaus allemand puis, plus tard, un camp de vacances pour quelques enfants traumatisés, issus de la guerre. Nous y serons aussi. Enfin, je crois ...
Jérôme Loubry nous isole dans une sorte de huis clos étouffant ! Il nous confine dans un impénétrable enchevêtrement psychologique, dans lequel se mêlent faux-semblants, souvenirs, culpabilité, doutes ou pèlerinage familial, noyé de confidences et de révélations plus ou moins biaisées.
Nous sommes constamment face à des personnages qui se souviennent et qui racontent. Qui mentent ? Nous serons là pour le savoir, mais pas seulement dans leurs pensées, non, mais réellement présents dans la période désignée par leurs souvenirs. Et saurons-nous tout ?
Non, peut-être que nous ne saurons rien. Tout est parfois qu’une histoire d’illusion. Je ne vous aide pas beaucoup là, je sais, ce n’est pas le but.
Et puis au bout d’un moment on dit « merde », peut-être même « putain de merde ». Nous réalisons que nous progressons dans une intrigue totalement malléable, à l’image de notre cerveau sur lequel on tire comme sur un élastique. Je ne vais pas entrer dans les détails, je ne veux pas vous rendre fous. Mais lorsque l’auteur lâche cet élastique, ça fait mal !
Cette intrigue est constituée de jalons que nous ne voyons pas. N’essayez même pas de les repérer, c’est peine perdue. D’ailleurs, ils ne sont pas là pour vous ! Je sais, c’est un truc de fou, encore une fois.
Je ne vais pas vous en dire plus, à part peut-être le fait que le cerveau, notre inconscient, notre meilleur allié en cas de coups durs, est capable, d’une certaine façon, de nous protéger d’une manière subtile et radicale.
Cette intrigue est un casse-tête, un simulacre, une manipulation, un tour de passe-passe constitué d’illusions et de chimères qui frappent l’inconscience. C’est fascinant, c’est déstabilisant et ça fait plutôt réfléchir ! Psychologiquement parlant, c'est même assez parfait ...
Bref. Lorsque tu approches du dénouement, tu te dis que ce que tu lis ne dois pas être vrai. Pourquoi ? Car ton cerveau, un peu susceptible, en a plein le c** d’être autant manipulé ! Frustration totale ! Mais, franchement, on aime ça non ?
Cette intrigue est tout simplement brillante. Bonne lecture !