Le douzième chapitre, Jérôme Loubry --- Brillant

Publié le par Pascal K.

Le douzième chapitre
Jérôme Loubry

Éditions Calmann-Lévy / 2018
Le Livre de Poche / 2019

Il y a des histoires qui te marquent à jamais, certaines un peu moins et d’autres non. Putain, celle-ci restera graver dans mon âme de lecteur. Ce récit est un pacte, une histoire de confiance - de conscience ! -, mais surtout de promesses ! 

L’intro donne le ton, rapidement, un air qui s’essouffle, un son dissonant qui suscite de l’instabilité. De la musique d’avenir. Oui, car nous allons traverser une génération, dans un sens comme dans l’autre. Un passé lancé à pleine vitesse vers l’instant présent et visé en pleine gueule ! 

Deux hommes, la quarantaine bien frappée, - amis d’enfance -, l’un écrivain, l’autre éditeur, vont chacun recevoir un manuscrit posé devant leur domicile, respectivement quelques chapitres d’un roman. Leur histoire.

Nous allons alors ratisser le passé, par le biais de plusieurs chapitres écrit par une personne qui n’a semble-t-il jamais oublié. Une œuvre posthume car, d’une certaine manière, l’âme de l’auteur de ce récit semble déjà éteinte depuis des dizaines d’années.

Ces deux amis - et probablement encore une autre personne - vont découvrir ces quelques chapitres relatant une partie de leur vie - de leur enfance -, un pan de leur existence vers lequel il serait judicieux de tourner la tête, puis de se retourner et peut-être même faire quelques pas.

Nous allons nous imprégner de ce passé par ce manuscrit, nous allons nous immiscer dans une histoire qui ne nous concerne pas, qui ne nous regarde pas, mais nous voulons absolument savoir ce qu’il s’est passé durant l’été 1986. David, l’écrivain, qui en devient le personnage principal, souhaitera aussi savoir, bien qu’il le sache probablement déjà, ou alors pas du tout. Il va devoir suivre, un peu par procuration, une partie de sa propre enfance.

Ce récit imbriqué dans cette histoire, ce conte de vacances, cette fable de l’horreur qui fait rebondir à travers les années, à travers les pages, les chapitres, quelques vérités abominables, m’a touché, c’est indéniable. La manière d’écrire cette épisode, décoloré par le temps et délavé par les années, en est pour beaucoup. Jérôme Loubry, vos mots ont atteint leur but ! 

L’auteur, avec ce récit emmêlé dans son histoire, nous enfouit dans une trame opaque, oppressante et troublante. Rien n’est vraiment dit et nous devons nous contenter de semi-vérités, ce qui implique, par définition, quelques mensonges. 

Nous sommes constamment en train de sauter sur place pour tenter d’observer à travers une fenêtre située trop haute, avec vitre bien trop opaque ! Mais lorsque tout commence enfin à s’éclaircir, la réalité qui nous saute à la gueule reste plutôt sombre, fait mal et surprend ! Violence, enfance, résilience, culpabilité, promesse (!!), alcool, vengeance, blessures ou encore douleur. Mais surtout la peur, la peur d’enfants. 

Lorsque le passé vient frapper à ta porte à grands coups d’arguments, lorsque des souvenirs enfouis dans un tiroir verrouillé depuis des dizaines d’années sont obligés de ressurgir, tu peux alors imaginer que tu n’as peut-être pas tout compris.

Ce qui est fascinant dans cette intrigue, c’est que nous avons constamment l’impression d’être proche du but, de la finalité que nous recherchons. Mais l’auteur, de son côté, tire constamment sur un tapis sur lequel est posée cette vérité qui s’éloigne toujours un peu plus. 

Mais nous saurons tout, et c’est terriblement bien amené. Cette histoire te laissera un moment sur le carreau, pas possible autrement. Une histoire de promesses et de choix à faire. Mais ces choix, souvent, n’en sont tout simplement pas !

Bonne lecture. 

Commenter cet article