Sång, Johana Gustawsson
Sång
Johana Gustawsson
Éditions Bragelonne / 2019
277 pages
Si vous avez lu les précédents thrillers de Johana Gustawsson, alors vous connaissez déjà les deux personnages phare de son univers, soit Emily Roy, profileuse de renom, et Alexis Castels.
La première est une femme déstabilisante, froide, manipulatrice, dotée d'un charme tout particulier. Quant à la seconde, écrivaine, c'est une jeune femme dynamique, qui voue une fascination sans égal pour l’univers des tueurs en série. Elle veut comprendre, elle en a même besoin.
Il y a encore un autre personnage que nous avons découvert dans « Mör » et que je souhaitais absolument revoir, une autiste qui m’avait vraiment marqué ! C’est chose faite.
Si vous connaissez déjà l’univers de l’auteur, vous savez aussi qu’elle ne vous épargnera absolument rien ! Ses récits sont crus, froids avec un certain désespoir en toile de fond. Johana Gustawsson n’écrit pas pour vous faire du bien, mais pour vous conter le mal qui nous entoure et le dénoncer. De quoi je parle ? Allez, ne nous voilons pas la face ...
Un exemple ? La guerre civile espagnole, cela vous parle ? C’est un exemple parmi tant d’autres de l’horreur qu’est capable de générer l’être humain. Cet exemple, humainement abominable et insupportable, l’auteure se l’est accaparé pour nous dérouler son intrigue.
Je ne vais pas vous conter cette guerre qui a abouti sur 36 ans de dictature ! Mais en choisissant ce fait historique, Johana Gustawsson ne pouvait que nous bouleverser tellement ce conflit a été cruel. Et elle va le faire.
Johana Gustawsson pose ses jalons, tranquillement, avec un petit sourire en coin - certainement ! -, en nous emmenant à Londres, où nous sommes témoins d’une belle boucherie, mais aussi en Suède, où une famille a été décimée et, finalement, en Espagne, 80 ans en arrière, lors de la guerre civile.
C’est froid, c’est cash, les exécutions nous claquent à la gueule avec des répercussions jusque dans le cœur. Une fois de plus, l’Histoire étant déjà écrite, l’auteure n’a pas forcément besoin d’aller chercher jusqu’aux tréfonds de son âme (peut-être ?) sombre pour démolir le nôtre ! Par contre, la façon de raconter est totalement sans filtre. Rien que des faits, sans garde-fous, ni filet.
Arracher des bébés ou de jeunes enfants à des mères en attente d’être fusillées, c’est un acte qui ne peut pas vous laisser de marbre ! Arpenter les couloirs d’orphelinats tenus par des nonnes, en entendant des têtes de petites filles se fracasser contre des murs, ou couchées en chien de fusil sur le sol, après le passage du curé, cela ne devrait pas non plus vous laisser indifférents.
Bref, ne parlons plus du milieu religieux, de cette secte qui représente tout ce qui me répugne.
Les personnages sont un grand atout dans ce récit. Alexis Castels est une femme fascinante. Son cerveau démarre au quart de tour quand il s’agit d’éclaircir une enquête criminelle. Emily Roy - complémentaire ? -, est une femme troublante qui fonctionne comme une machine, avec les mêmes émotions !
Ensuite, les valeurs. Johana Gustawsson place dans sa trame des événements ou des situations qui poussent à la réflexion, comme l’autisme, les émotions - positives ou négatives - ou encore les traumatismes liés au passé, et peut-être encore la PMA, la procréation médicalement assistée. J’appelle cela des valeurs car il s’agit de situations fortes qui font, au bout du compte, peut-être avancer les choses.
L’un de ces points cités sera peut-être l’élément qui va créer le fameux lien que nous cherchons.
Ce qui est brillant dans ce récit, c’est le fait d’avancer pas à pas, tranquillement, sans vraiment savoir où l’on va. C’est subtil. Nous savons pertinemment que nous nous approchons d’une explosion, nous voyons les mèches, les détonateurs, mais nous avançons tranquillement. Un rythme très paradoxal !
Le dénouement nous mène vers une gestion, une utilisation ou une manipulation inadmissible d’un principe dont je ne vais évidemment rien vous dire. J’espère juste que, dans la réalité, les choses ne se passent pas comme ça. Cependant, n’étant pas issu d’un univers de Bisounours, j’en doute fort !
Mais le dénouement nous conduit surtout vers autre chose. Je ne trouve pas mes mots pour l’exprimer correctement. C’est puissant, c’est fort. L’auteure amène le passé au présent avec brio et énormément d’émotion. Elle nous bluffe, nous surprend, nous fait souffrir en nous offrant une trame de dingue !
Les liens et l’amour fraternels génèrent une puissance sans limite, qui peuvent engendrer une force sans égal !
Bonne lecture.