De sinistre mémoire, Jacques Saussey
De sinistre mémoire
Jacques Saussey
Les nouveaux auteurs / 2010
French Pulp Éditions / 2017
401 pages
Cela fait déjà un petit moment que je me promets de découvrir l’univers de Jacques Saussey. Ahh les promesses ...
C’est chose faite ! « De sinistre mémoire » nous emmène à Paris, mais aussi en Bretagne. Notre pèlerinage débute dans la gare de Lyon et nous découvrons notre premier cadavre dans un photomaton. Se faire tirer le portrait et retirer la vie en même temps n’est pas vraiment courant. Souriez, vous êtes fini ! Flash !
Une seringue plantée dans l’œil, une puissante injection d’héroïne directement dans le cortex, c’est instantané, c’est un meurtre, et pas le premier.
Le capitaine Magne, que je découvre, sera là pour décortiquer tout ceci. A propos de l’enquête, justement, j’adhère totalement car elle débute d’une manière très classique, avec méthode : elle sonne juste !
L’intrigue se met rapidement en place, agrémentée de dialogues improbables dont je suis assurément un grand fan. Les enquêtes de voisinage s’apparentent même à une somptueuse comédie style vaudeville ! Oui, les personnages de ce roman me plaisent.
Nous comprenons explicitement qu’une jeune personne est dans la mouise, qu’elle doit certainement regretter quelque chose, bientôt même sa vie, désormais en sursis ! Il ne fallait pas ...
Le lecteur sera confronté également à un autre homme qui doit absolument réparer un acte dont il est partiellement responsable. C’est une véritable course contre la montre qui commence, l’écho du coup de départ a déjà disparu et l’heure tourne plutôt vite. Ce qui nous tiendra clairement en haleine seront ces simples questions : pourquoi ? Qu’est-ce qui peut être aussi important pour absolument tout tenter ?
Ça ressemble ici un peu au jeu du chat et de la souris ! Mais le chat, en regardant derrière lui, pourra remarquer que ce n’est pas lui qui tire les ficelles et il le sait. Cette ambiguïté que cultive l’auteur est bien amenée !
Le passé sera l’élément essentiel pour y trouver justement des réponses. Un passé qui va nous accueillir et nous diriger vers la Seconde Guerre mondiale, plus précisément vers un jour-clé, après le débarquement de Normandie. Un jour ignoble où flotte encore un relent d’impunité.
Une fois de plus, ce récit prouve qu’une âme meurtrie et détruite n’oublie rien. Tu peux faire couler des m3 de béton, le mal que tu as causé ressortira un jour ou l’autre, en s’aidant des coudes pour s’extraire et revenir vers toi ! Oui, la merde que tu as répandue dans le passé pue parfois tellement fort que les effluves qu’elle dégage te colleront aux basques à jamais. Il faut juste assumer, même 60 ans après ...
Nous allons donc gommer tout le temps qui nous sépare de l’année 1944 et vivre à l’instant présent, cet instant cruel d’un jour de guerre.
Ce récit est très humain. Nous sommes en présence de flics malins, bosseurs et persévérants - infatigables ! - qui prennent leurs missions à cœur ; des cervelles fonctionnant parfaitement au niveau de la déduction et tournant à plein régime. Mais ces hommes et femmes - des êtres humains, si si, je vous assure - ont aussi le revers de la médaille qui leur cogne sur le coin de la tête. Faut encaisser !
Cette trame va remettre en question la notion de justice. A partir de quel moment est-elle rendue ? Comment et surtout par qui ? Finalement, qu’est ce qui est juste, ou non ... ? Qui décide ? À méditer !
Bonne lecture.