Le cri du lièvre, Marie-Christine Horn - On ne touche pas à l'intégrité d'une femme ... en théorie !
Le cri du lièvre
Marie-Christine Horn
Édition BSN Presse / 2019
108 pages
Marie-Christine Horn nous ouvre les portes de son récit en noircissant des pages d’une écriture dense, sombre et sans espoir apparent. L’auteure nous agrippera et nous emportera, sous un triste tempo, vers l’enfer au quotidien subi par des femmes meurtries.
C’est en écartant les volets avec fracas qu’elle va nous permettre de nous immiscer dans la vie de ces femmes malmenées d’une manière ou d’une autre, toutes en souffrance. Pour la première, battue au quotidien, c’est vers l’extérieur que nous allons tendre le cou pour l’apercevoir.
Cette personne va nous expliquer et nous faire vivre un moment-clé de sa vie, celui du lâché prise et du renoncement. Mais attention, pas prête à renoncer à tout. Juste cesser de se battre, de résister et vivre un semblant de liberté. Une femme qui aime la nature, profondément, et qui va s’y engouffrer corps et âme pour essayer de garder la tête au-dessus de l’enfer qui la consume petit à petit. La montagne, la forêt ou les pâturages pour oublier la géhenne.
Une petite victoire dans une vie totalement perdue ; juste aller à l’essentiel : se sentir ici et vivante. Mais se sentir vivante, ce n’est pas juste survivre, c’est également se battre. Le cri du lièvre prendra ici tout son sens !
Un cri. C’est bien ce son qui s’échappera de ces pages, en les déchirant brusquement. Un cri de rage, de haine, un cri de peur ou même d’espérance. Ce qui est sûr, c’est qu’il viendra de loin, du noyau dur de l’âme, il viendra des tripes. Et ce hurlement, nous l’entendrons jusqu’à nous percer les tympans. Marie-Christine Horn donne une puissance sans égal à cette alarme d’une âme perdue.
Ce récit est, d’un point de vue psychique, très violent, dans le sens où la souffrance et le déchirement surpassent allègrement l’espoir ou une perspective digne et juste. L’auteure, intimiste, utilise une narration profonde qui nous implique totalement.
Ce récit très engagé dénonce les violences faites aux femmes, mais également les réponses qui s’offrent à elles suite à ces actes. L’Etat, les lois ou même certaines opinions soufflent comme un vent de face, glaçant, qui vous gifle encore une fois au passage, un peu par provocation.
En préambule, j’ai parlé d’autres femmes. Oui, car l’auteure nous place également face à des personnes comme cette jeune infirmière douce, introvertie, qui cache également bien des souffrances. Mais aussi cette flic, Pascale, qui a la Justice accrochée à ses tripes, mais équipée que de lois bancales pour atteindre sa soif d’équité et de droiture.
« Elle avait signé par amour de la Justice et s’était aperçue assez rapidement qu’elle n’avait épousé que des lois. » Page 63
La frustration et la déception sont en quelque sorte une forme de souffrance et cette flic n’y croit plus. C’est en donnant de sa personne et non de sa fonction qu’elle va peut-être pouvoir transmettre une sorte de justice, ou plutôt de justesse.
En quelques pages, Marie-Christine Horn nous brosse le portrait de trois femmes différentes, qui ont pourtant toutes le même point commun : être emplies de souffrance, d’une sorte de frustration et manquant cruellement de liberté et de repères, dans tous les sens du terme.
Un manque de repère si intense que l’un des choix de liberté, qui s’avérera juste, sera de retourner vers son bourreau pour en recevoir encore, et encore.
Chacune va se battre finalement à sa manière car, comme je l’ai précisé, elles sont toutes différentes. Les actes commis - les réponses ! - suite à une profonde souffrance, frustration ou peur sont bien différentes d’une personne à l’autre. Nous en aurons la preuve.
Marie-Christine Horn crache ce récit avec une écriture déconcertante. C’est enivrant, le style est tranchant, sec mais paradoxalement magnifique. Les mots semblent lui venir comme par enchantement, sans même y réfléchir.
Elle ne s’adonne pas ici à l’écriture d’une fiction quelconque, mais à l’exposé de faits réels et vécus des milliers de fois par un nombre incalculable de femmes. Par contre, les détails du récit d’une personne ou d’une autre ne changeront quasiment jamais, le schéma étant malheureusement toujours le même.
Est-ce normal ? Le cri du lièvre qui a la patte arrière coincée dans un piège rouillé et qui tente de s’échapper, dans la peur et l’incompréhension totale, vous aidera peut-être à répondre à la question.
Bonne lecture.