Dans la brume écarlate, Nicolas Lebel --- Aimer jusqu'à la mort, voire au-delà !
Dans la brume écarlate
Nicolas Lebel
Editions Marabout / 2019
390 pages
Quel plaisir de chasser à nouveau toute cette fumée de Gitane qui t’arrive en pleine face ! Ce n'est pas franchement agréable, c’est vrai, mais cela veut également dire que l’homme qui se trouve derrière ce brouillard de nicotine n’est autre que le capitaine Mehrlicht !
En parlant de brouillard, c’est lui qui nous tournera autour au fil des pages. Cette brume, qui nous donne parfois une sensation d’insécurité, sera l’un des personnages de ce polar. Une brouillasse qui nous permettra d'entre-apercevoir les personnes évoluer dans cette trame noire et cassante.
Mehrlicht entrera ici en scène dans le sens propre du terme. Toute la magie de l’auteur sera déployée et étalée dans ces pages; oui, les apparitions de Mehrlicht sont théâtrales ! Humour, humeur, sarcasme et ironie demeureront toujours là, quelque part, au coin d’une page, au détour d’un paragraphe ou suspendu à une ligne.
Mais l’humour ne noircira pas toutes les pages de ce bouquin, loin de là. Nicolas Lebel traitera ici de thèmes assez navrants, voire affligeants, comme la violence conjugale, la maltraitance, les sévices ou humiliations faites aux femmes, mais aussi le trafic d’êtres humains ou la haine liée aux migrants. Eh oui ! La brume, dans ce roman, n’est pas présente que dans les arrondissements de Paris, mais aussi dans les esprits !
Entre la disparition de jeunes femmes adultes en plein Paris, le parcours calamiteux d’une fratrie venue d’Alep, des agissements plus que douteux perpétrés dans une cave, impliquant un homme et une femme - victime ? -, ou encore une mare de sang sans cadavre au milieu du cimetière du Père-Lachaise, Mehrlicht aura assez de prétextes pour tirer nerveusement sur ses tiges à cancer. Au fil des pages, de l’enquête, notre flic acariâtre aura peut-être même des raisons de bouffer son paquet de clopes en entier !
Le sang restera le cœur ou le corps de cette intrigue. Cette trame nous emportera dans la tombe, ou plutôt dans le milieu gothique, noir, excentrique et assez insolite. Mais dans la tombe, tout de même, car nous serons très présents au cimetière du Père-Lachaise, dans cette brume persistante, entourés de locataires pas trop bavards.
Un trafic peu commun, violent, aux raisons surprenantes viendra vous déranger toujours un peu plus dans votre confort et vous rapprochera inexorablement de la folie des hommes. Encore ...
Nicolas Lebel nous balade dans un Paris en apesanteur, en compagnie de ses flics du commissariat du XIIème arrondissement, avec une dextérité artistique qui m’impressionne toujours autant. Quel plaisir de lire ! Quel artisan de la prose ! Quel virtuose du verbe ! Un mélange de poésie, de réalité, de noirceur et de propos décalés qui donnent un style très accrocheur et enivrant. On en redemande !
Oui, cette fois j’en suis plus que convaincu, Lebel s’amuse avec agilité pour nous enfouir dans son univers gorgé d’humanité. L’être humain se situe vraiment au centre de ses préoccupations, pour le meilleur et pour le rire. Le pire aussi ...
Les scènes, les dialogues ou encore les situations sont très cocasses ! L’auteur nous plonge dans le noir avec une légèreté qui me surprendra à chaque fois. Cocasses, mais pas seulement ...
Le volet de l’histoire liée à ce frère et cette sœur venus de Syrie et livrés à eux-mêmes est d’une noirceur difficilement digérable. Encore une fois, lorsque la réalité dépasse largement la fiction, les émotions deviennent également une puissante réalité.
Mehrlicht reste fidèle à lui-même, c’est sûr, mais se dévoile encore davantage par ses monologues mythiques et profonds. Lorsqu’il démarre et extériorise une diatribe, une pensée ou simplement une humeur, franchement on l’écoute, même avec respect !
Ce petit capitaine, froid et désagréable, nous montre encore une fois sa face cachée, son côté sensible, une âme fatiguée qui ne supporte pas ou plus le mal et la violence qui dansent autour de lui, qui le narguent en tirant la langue. Mehrlicht aura ici un coup de retard et ne le supportera pas ! Ce n’est pas une histoire de fierté, pas du tout, mais cela engendrera davantage de souffrance, de cruauté et des victimes qui n’ont rien demandé !
L’auteur mettra un terme à cette intrigue en envoyant moult cartons rouges au visage des enquêteurs. La loi des hommes est parfois difficile à comprendre, surtout d’un point de vue moral. Mais Mehrlicht et ses hommes ont également pas mal de cartes à jouer, à distribuer, ce qu’ils ne vont pas se gêner de faire !
Le dénouement est donc un vrai combat pour la justice, la vraie, celle qui est juste ! Mais ce dénouement est aussi le début d'un nouveau combat ...
Bonne lecture.