Et le mal viendra, Jérôme Camut / Nathalie Hug --- Et la lame viendra vous chatouiller la conscience !

Publié le par Pascal K.

Et le mal viendra
Jérôme Camut / Nathalie Hug

Fleuve noir éditions / 2019
560 pages

L’Afrique, sa grandeur, sa splendeur, sa richesse, sa végétation et sa faune. Voilà les éléments qui nous accueillent lorsque nous tournons les premières pages de ce livre et que nous débarquons en République démocratique du Congo.

Un gorille - un mâle Alpha - sera là pour cet accueil et, tacitement, il vous expliquera clairement que sur ce territoire, il est chez lui et vous, l’étranger, vous êtes juste invité. Toléré ? Aucun blabla, évidemment, juste une aura puissante et autoritaire. Il n’y aura pas que ce gorille qui réagira de la sorte...

Car en tournant encore quelques pages, vous constaterez que ce pays pauvre, sanguinaire et instable dégage une violence inouïe, brute, sans aucune concession. Parachutés au milieu de diverses milices rebelles, constituées notamment d’enfants-soldats - de soldats tout court finalement, l’enfant est mort -, nous n’aurons aucun doute sur un point : l’espoir n’existe pas. A qui la faute ?

Ce qui vous marquera probablement aussi, en tournant ces pages, c’est cette échelle graduée qui vous situera dans le temps, au cours de la lecture. Elle commence en 2016 et se termine ... en 2028.

Le terrorisme sera au centre de cette intrigue, mais pas uniquement au sens que vous pourriez l’imaginer. Aucun fusil d’assaut en jeu, ni d’arme de poing, pas d’effusions de sang, pas de bombe, aucune ceinture bourrée d’explosifs, ni d’arme blanche. Rien de tout cela ! Mais une violence énorme ...

Et justement ... Ce récit nous révèle la montée en puissance - en violence ! - et - surtout ! - une prise de conscience d’un homme déterminé, en souffrance, un bon père de famille qui a décidé d’aller aider là où il peut être utile. Un homme qui a décidé de tenir une promesse. C’est très paradoxal non ? Cet aspect-là de la trame m’a déstabilisé. Le principe de combattre la violence par la violence prendra ici tout son sens.

Ce volet-là de l’intrigue sera capital et vous obligera à vous poser mille questions liées à la conscience: le bien et le mal, la fin justifie-t-elle les moyens, défendre une bonne cause à tout prix, et j’en passe. Vous aurez certainement du mal à vous situer, à trouver un endroit stable où poser votre conscience. 

Le caractère des personnages s’épaissit très rapidement au fil des pages. Quelques notions apparaîtront petit à petit, telles qu’un décès tragique et injuste non-accepté - le déni total - et, par extension, la douleur, la détermination, puis la folie. Quoique ...

Deux hommes vont être ici confrontés. Le premier, complètement obnubilé par ses convictions, puissant, doit absolument être stoppé. Le second, un flic aux abois, qui compte retrouver sa fille par tous les moyens, fera tout pour l’arrêter. Bon, c’est assez réducteur comme présentation, car des circonstances complexes lieront l’un et l’autre d’une manière très étroite !

Ballottés entre deux périodes éloignées d’une douzaine d’années, nous allons pouvoir régler notre focus d’une manière toujours plus précise, afin d’obtenir un regard clair et net sur ces événements.

De cette manière, nous allons comprendre progressivement comment une puissante cellule terroriste peut se mettre en place, mais aussi pourquoi. Encore une fois, il faudra aborder le terme terroriste dans son sens le plus large.

Nous pourrons alors comprendre que plusieurs paramètres sont essentiels, à savoir les rencontres - parfois hasardeuses -, de la hargne, de la conviction, de l’autorité et pas mal de chance. Mais, ce qui ressortira comme étant l’élément le plus fort, ce sera le sentiment de faire quelque chose de juste. C’est ce point-là qui vous causera, sans doute, un problème de conscience.

Les éléments du passé, qui défilent devant nos yeux étape par étape, chapitre après chapitre, nous aideront à comprendre toujours un peu plus ce que nous vivons au présent, soit l’enquête en cours. Le lien entre les deux époques est construit subtilement et avec beaucoup de finesse.

Humainement parlant, ce récit est puissant ! Cette histoire est une vraie prise de conscience, doublée d’une sérieuse remise en question qui nous poussera inexorablement à ouvrir les yeux. Pour ce dernier point, les protagonistes de ce roman ont choisi la manière forte, soit de forcer la main pour ne laisser aucun choix possible.

D’un point de vue familial, l’approche sera douloureuse et difficilement concevable. Sur ce point-là, je vous laisserai en juger par vous-même. Lorsque la haine et la détermination se mêlent à la naïveté, à l'utopie ou peut-être même à l’ignorance, le spectacle en devient effroyable.

Ce récit engagé vous conduira, avec son dénouement, vers une montagne de questions liées à la conscience, qui vous tourmenteront, tortureront votre esprit critique et satureront votre conscience d’antinomies et de contradictions.

Mais, au final, chacun arrivera à se forger sa propre opinion, j’en suis persuadé. J'ai énormément utilisé le mot conscience dans cette chronique et je pense que vous comprendrez pourquoi après avoir lu ce livre.

Bonne lecture. 

 

Commenter cet article

L
J'ai hâte de lire ce livre mais d'abord je dois lire Islanova.
Répondre
P
Je fais tout à l’envers pour ma part ...