Le jour des morts, de Nicolas Lebel --- Le choc des générations !
Le jour des morts
Nicolas Lebel
Éditions Marabout / 2014
413 pages
Départ, pour moi, pour un second « Lebel », après « L’heure des fous ». Je dois dire que je me réjouissais assez de retrouver le capitaine Mehrlicht, qui m’a laissé une sacrée bonne impression. Il ne l’a pas laissée pour tout le monde, c’est vrai, car il faut être assez blindé pour accueillir ses salves piquantes d’homme acariâtre et impatient.
Mais, pour le lecteur que je suis, c’est du pur bonheur ! Des qualités, il en a aussi, surtout - seulement ? - au niveau professionnel ! Quoi que ...
Le cycle de la vie n’est pas toujours facile, surtout pour le personnage qui nous ouvre les portes - ou les pages - de ce roman dans sa tenue de cycliste. C’est à côté de son vélo qu’il va découvrir un couple d’amis morts dans leur habitation. La balade à vélo du vendredi ne se fera pas ce jour-là !
Cet événement sera tout de même le départ d’une balade qui ne va de loin pas s’apparenter à une promenade de santé.
Mehrlicht, le fameux capitaine Mehrlicht, lui aussi va nous faire une entrée en scène à sa manière, magistrale. Mais cette apparition sera aussi douloureuse que magistrale. La douleur, la tristesse et la souffrance, Mehrlicht les repousse et les place de côté. Cet homme, à la tête de crapaud mal en point, est un putain de sacré bon type et un ami fidèle !
Et un bon flic, aucun doute ...
Bref. Le milieu de l’art, du livre ancien, nous servira d’arrière-plan plutôt intéressant. Ce qui va l’être réellement, c’est la façon dont on peut tirer parti de cet art. Il y a les passionnés et les profiteurs. Les premiers suscitent de l’admiration, les autres de la répulsion. En fait, à la base, cet univers de livres anciens ne m’intéressait pas. Cependant, l’auteur a réussi ici à capter mon attention, mais aussi mon intérêt. Les personnages qu’il met en scène ont su m’attirer par leur épaisseur, leur pertinence et par leur passion.
D’autre part, Mehrlicht et son équipe seront cette fois-ci confrontés à des décès provoqués par empoisonnement. Des hommes, des femmes et des enfants vont tomber comme des mouches, et à la chaîne. Une enquête, impliquant la sphère politique et la presse, va conduire les enquêteurs du commissariat vers des emmerdes assez collantes.
Au niveau de la presse et de la politique, justement, des liens vont se créer, pour le meilleur et pour le pire de l’immoralité. Les médias et, plus précisément, les réseaux sociaux, vont prendre de l’importance, de l’envergure, soit un poids sans aucune mesure.
Par ailleurs, nous aurons également l’occasion d’observer d’un peu plus près l’un des hommes de Mehrlicht, l’inspecteur Dossantos, un flic droit et incorruptible, qui va être rattrapé par son passé.
Le passé, soit dit en passant, sera même un point crucial dans ce récit.
C’est sûr, Nicolas Lebel noircit ses pages sans rencontrer trop de difficultés. Du moins, c’est l’impression que donne son style léger, goguenard, mais tellement profond et intense. Ces pages, dégageant un haut potentiel d’authenticité, font du bien à lire et c’est plutôt un gage de qualité ! Les répliques, les interactions et les situations dont nous sommes témoins sont d’une perspicacité sans précédent. La Palme d’Or revient évidemment à Mehrlicht !
Les scènes qui se succèdent sont de magnifiques moments mythiques, très humains et parfois complètement décalés. Je suis fan, j’en redemande et je signe !
La vengeance est un plat qu’on empoisonne. L’affaire qui nous préoccupe ici démontre que l’on n’oublie en principe jamais. Tôt ou tard, on demande réparation, à juste titre, mais pas forcément à « titre de Justice », dans le sens propre du terme.
C’est sous une pluie diluvienne et continue que nous allons pouvoir relier bien quelques points. Le travail acharné des inspecteurs va nous fournir des réponses qui tardaient à arriver. Il faut admettre que cette enquête, complexe, demande beaucoup d’ouverture d’esprit pour les fins limiers du commissariat qui devront rembobiner pas mal d’années.
Le passé fascine, mais il assassine.
Les ravages de la Seconde guerre mondiale sont encore aujourd’hui présents dans l’âme de bien des personnes. Nous irons, dans ce récit, dans un petit village du Limousin où nous aurons l’occasion d’obtenir des éléments importants à ce sujet.
On n’oublie en principe jamais. La vengeance restera toujours un moyen d’obtenir réparation, que l’on soit d’accord ou non avec ça.
Enterrer de gros amas de merde à grands coups de pelle ne sert souvent à rien. Le souffle de la vengeance n'est jamais très loin pour venir soulever la matière qui recouvre la vérité !
Nicolas Lebel nous offre ici un récit très humain, très fort, plaçant l’acte de la vengeance sur la plus haute marche du podium.
Bonne lecture.