La septième vigne, de Nicolas Feuz --- De l'Allemagne nazie à Cortaillod !

Publié le par Pascal K.

La septième vigne
Nicolas Feuz 

The BookEdition / 2013
382 pages

Le prologue nous mène dans les sous-sols d’une clinique-maternité plutôt lugubre. Nous sommes dans l’Allemagne nazie, années 40, et nous rencontrons notre premier personnage, Heinrich Himmler, « haut dignitaire » du Troisième Reich. En fait, je n’ai pas besoin de vous présenter ... 

... Le meurtrier du siècle.

Nous nous rendrons assez vite compte que l’auteur nous décrit ici le « fameux » programme Lebensborn, soit le contrôle de reproduction à grande échelle destiné aux SS, censé représenter la pureté raciale, la race aryenne. Le sujet est vaste, abject, bref, vous avez déjà certainement entendu parler de ça.

Sans transition, nous allons changer d’époque et de lieu, pour atterrir, de nos jours, à Cortaillod (!!), petit village suisse du canton de Neuchâtel. Quelle étonnante coïncidence, Nicolas Feuz ... 

Les Carcoies vous diront certainement que c’est un village plutôt tranquille où il fait bon vivre parmi ses vignes à multiples cépages. Mais, en ce jour de fête nationale, ils auront plutôt l’occasion de lever la tête pour contempler un corps pendu à la flèche de l’église. Pas courant, pas pratique, je le conçois ! 

Nous visiterons ce village lacustre qui abrite notamment en son sein un flic bourré du matin au soir, des vignerons fiers de leurs produits, des jeunes cherchant le grand frisson à coups de gorgées de bières et de pétards, mais aussi un homme vivant seul dans sa caravane, parquée dans le camping du village.

Cet homme meurtri, perdu et rongé par le remord et la haine, semble avoir tout perdu. Torturé de toutes parts par un passé douloureux, il va faire probablement la promesse la moins raisonnable de son existence.

Nous ouvrirons aussi la porte du logis de ces trois femmes d’origine israélienne, représentant trois générations : une jeune fille surprotégée par une mère usant les pages de la Bible et une grand-mère réduite au silence par l’amputation de quelques parties de son corps.

Le petit village de Cortaillod - nous le remarquerons en déambulant dans ses rues et ses environs - semble avoir été choisi comme étant l’emplacement d’une malédiction à venir. Affabulations ? Plaisanteries de mauvais goût ? 

Avec cette intrigue, Nicolas Feuz nous pousse dans les bras de la manipulation, vers la domination perpétrée sur des êtres sans doute faibles.

Mais pas seulement. Nous côtoierons également quelques spécimens pas si rares qui croient encore en la puissance du nazisme, à sa valeur inexorable, voire à la résurrection du führer.

Les rumeurs dans le petit village neuchâtelois vont aller bon train. Qui dit petit village, dit gros ragots et théories à deux balles, mais pas toujours. Parmi les propos de piliers de bar pseudo enquêteurs à leurs heures perdues à boire, il n’y a pas forcément que du faux. Quand on est du village, on perçoit aussi une certaine réalité.

Une psychose va donc s’installer et la moitié du bled va commencer à regarder l’autre moitié de travers.

Nicolas Feuz nous sert une belle palette de personnages, dont quelques-uns qui valent vraiment le détour, à l’image du flic municipal de la région de Cortaillod. Bien que souvent au bistrot, c’est un flic intègre, courageux et qui a une soif - désolé ... - de justice sans précédent. Mais pas seulement.

Les effets du nazisme vont perdurer et se perpétuer à travers les années pour se mélanger à cette trame qui se déroule dans un petit village de vignerons. Nicolas Feuz réussit ici à aborder ce sujet en l’intégrant au fanatisme et aux croyances occultes.

Ça se lit bien et ça se lit vite. L’auteur transforme avec aisance un petit village paisible en un lieu où la violence, la folie, puis la peur et la paranoïa ont décidé de s’installer le temps d’une histoire. Nicolas Feuz, connaissant les moindres recoins de cette région, arrive à nous transmette une « émotion villageoise » forte avec des descriptions qui tiennent évidemment la route.

Vers le dénouement, le rythme va accélérer et nous accompagner jusqu’au point final avec la même intensité.

L’intrigue est sympa, se tient et pourra même vous donner quelques sueurs froides. Pour ma part, je retiendrai l’aspect géographique des scènes de cette histoires, mais aussi la qualité des personnages. 

Et, finalement, je retiendrai également la divulgation du « fin mot de l’histoire » - de l’Histoire ? - qui m’a tout de même scotché.

Bonne lecture. 

Publié dans Littérature suisse

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