Le Sphinx du laurier rose, d'Edith Habersaat
Le Sphinx du laurier rose
Edith Habersaat
Editions Slatkine / 2018
155 pages
Ce roman débute calmement, sans précipitation, plutôt en douceur. L’auteure ne nous pousse pas dans l’histoire avec de grands coups de pieds au cul. Néanmoins, - et ceci n’est de loin pas négligeable -, les personnages que nous rencontrons sont présentés avec beaucoup de détails, par une écriture maîtrisée et soignée.
Cette écriture qui, sans nul doute, est brillante - n’ayons pas peur des mots -, n’est pas forcément celle qui me convient le mieux. Toutefois, elle ne m’a pas empêché d’en apprécier la trame qui est, humainement et socialement parlant, très pertinente.
Au niveau de l’histoire, sur le plan social, justement, deux classes seront immédiatement posées à plat sur la table, juste devant nous. Deux couches sociales diamétralement opposées, mais tout de même reliées par un point de convergence, et pas des moindres. Deux entités socialement différentes qui vont s’unir pour le meilleur, et bien sûr pour le pire. Est-ce que l’amour dépasse toutes les contraintes et toutes les oppositions morales ? C’est à voir.
Le passé sera très présent dans cette trame familiale. Il ne va pas vraiment se gêner à pousser des coudes pour rattraper le temps et ainsi s’immiscer entre les membres d’une famille qui demeure, d’une certaine manière, assez fragile.
Un corbeau - pas l’oiseau donc ... -, une lettre, du chantage et le tour est joué : la pelleteuse est en marche, prête à creuser pour déterrer le passé. Les histoires de famille, dans le sens péjoratif, ne sont jamais bonnes à entendre. Dès lors, la machine, on va tenter de la freiner le plus possible.
L’auteure nous conte une histoire qui dévoile bien des aspects de la vie, tels que la folie, la pression, la honte, la vie de couple, la négligence, le harcèlement, l’abus sexuel, les non-dits et, par définition, le silence. Elle nous raconte tout ceci avec une sorte de légèreté, d’élégance, presque avec délicatesse. Le poids des mots reste donc léger mais, d’une manière factuelle, le récit est dur, voire désespérant.
L’écriture d’Edith Habersaat est pour moi très paradoxale. Elle est hachée, brute et rapide mais, en même temps, j’ai l’impression de ne pas avancer dans les faits. Par contre, et je le répète, nous en apprenons beaucoup sur les personnages, notamment sur leur cheminement psychologique. Nous sommes pleinement dans la normalité, dans une routine destructrice, une stagnation néfaste, et c’est peut-être cela qui dérange.
Entre un mari directif et fuyant à la fois, une femme sous pression en manque de considération, un fils mal dans sa peau compensant par l’apparence, ou encore cet autre fils homo, qui semble assumer malgré cette ambiance étouffante pleine de non-dits, cette famille riche mais pauvre à la fois est en train d’accélérer toujours un peu plus contre un mur, sans même s’en rendre compte.
Une histoire bien écrite, maîtrisée, mettant en scène des personnages banals, vivant une vie normale, semée d’embûches et de problèmes qui pourrissent et stagnent suite à une accumulation de non-dits et un grand manque de communication !
Bonne lecture.