Délicieuse, de Marie Neuser --- Quelle douce et extrême violence... Coup de cœur!!

Publié le par Paco

Délicieuse
Marie Neuser

Editions Fleuve Noir / 2018
475 pages

Voici un texte qui t’arrache les tripes ! Quel exercice de style ! Je vais vous parler ici uniquement de ce style, des émotions qui nous gagnent et ce que l’auteure démontre par cette trame - du moins, avec ma perception. Je ne vous parlerai même pas de l'histoire!

Marie Neuser nous offre une introduction franche, catégorique et énigmatique, à l’image de la femme qui a l’honneur d’ouvrir le bal de ce thriller. Une femme qui a visiblement besoin de rendre des comptes !

La communication n’aura pas trop de mal à passer étant donné que cette femme a décidé de laver son linge sale en utilisant les réseaux sociaux. Faire le buzz sera son intention. Une lubie ? Un besoin vital ! Elle nous l’expliquera très en détail; une mise à nue et une mise au point total !

L’auteure, par ce personnage bafoué et humilié, nous déploie un texte d’une telle intensité qu’elle nous donne presque la chair de poule. Quelle maîtrise des mots ! C’est puissant, profond et déroutant. Quelle franchise dans les propos tenus ! Quelle baffe aussi ! C’est sûr que le ton est donné dès le départ. Un ton sur lequel il sera très difficile de s’accorder pour l’un des personnages.

Ce roman est un miroir qui se brise en mille morceaux, une feuille de papier qu’on déchire d’un coup sec, avec rage, un cœur qui s’arrête, une faux qui s’abat sur la nuque. Les mots sont si démonstratifs et convaincants qu’ils en deviennent presque contagieux. La situation, bien que banale et fréquente, malheureusement, en devient tragique et dure tellement les mots sont forts et pertinents. D’une certaine manière, c’est très violent !

C’est une personne en perdition que nous avons devant les yeux, une femme qui aligne les paradoxes dans son âme, dans sa mémoire ou dans ses prises de décision, tellement elle est paumée. C’est un animal blessé, à l’agonie, qui s’exprime devant nous, ou plutôt une bête mortellement touchée, atteinte au cœur, dans l’âme, dans son amour-propre ou encore dans sa fierté.

Cette histoire va finalement nous démontrer comment un être blessé, trompé et humilié peut réagir dans un état d’émotion atteignant son paroxysme.

Ce récit est dense, profond, riche et, surtout, totalement maîtrisé. Marie Neuser utilise un style pesant qui vient nous arracher les tripes à travers la peau. Elle pose dans son texte énormément de détails qui décrivent une situation lourde de sens et, surtout, qui révèlent la forte présence d’une âme perdue qui panique et angoisse.

C’est avec très peu de dialogues que nous allons vivre cette tragédie. Cela peut paraître déroutant - j’aurais été le premier à le prétendre -, mais là je dois admettre que ce style donne une force incroyable dans les mots, dans la transmission des émotions. Nous prenons possession de la situation, nous nous l’accaparons et nous la vivons.

Cette écriture nous étouffe et nous ouvre les yeux à la fois. Ce mélange de poésie et de froideur donne un rythme soutenu pour cette prose déchirante. Cette histoire peut nous arriver à toutes et à tous, plus vite que nous le croyons, et nous touche alors davantage.

Ce qui ressort vraiment dans cette histoire, c’est la psychologie complexe des personnages face à un événement presque banal mais fort au niveau des émotions. Complexe au point de carrément dédoubler sa personnalité pour tenter de gérer une situation en prenant en compte tous les paramètres possibles. Quel chapelet de contradictions !

Cette histoire est une perpétuelle tourmente, une douce destruction mais aussi, finalement, un bel enseignement pour tenter d’éviter le pire. Dans cette histoire, le pire n’est que le prénom.

En parallèle, par le métier du personnage principal, l’auteur nous plongera dans le milieu malsain des dérangés de la caboche : notre interlocutrice est psychologue criminelle. Entre boulot et vie privée, l’aspect émotionnel ne sera pas facile à gérer. Le parallèle qui est fait ici, psychologiquement parlant, est tout simplement brillant. Je n’en dirai pas plus, même si j'en crève d'envie.

Les réseaux sociaux feront également partie de la donne. L’auteure, d’une manière très concrète, nous démontrera comment il est facile d’être ou de devenir sadique sur ces plateformes. Plus que des plateformes, un nouvel art de « vivre », de « réfléchir », de ressentir et de s’exprimer. Vaste sujet, vaste débat, vaste débâcle.

La possession, le mensonge, la manipulation, l’amour et la haine vont nous conduire vers un dénouement violent, malsain et très inattendu. Violent et tendre à la fois, comme de la chair fraîche.

Cette histoire, d’une consistance impressionnante, m’a touché en plein cœur. Que demander de plus…

Bonne lecture. 

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