Le Mage noir, d'Olivia Gerig
Le Mage noir
Olivia Gerig
Éditions L’Âge d’Homme / 2018
484 pages
“Les psychiatres, c’est très efficace. Moi, avant, je pissais au lit, j’avais honte. Je suis allé voir un psychiatre, je suis guéri. Maintenant, je pisse au lit, mais j’en suis fier. » Coluche.
En entrant dans cette histoire, le lecteur découvrira que l’un des thèmes de ce roman est le milieu psychiatrique. L’auteure nous rappellera d’ailleurs que, d’une manière assez claire, les manquements que nous rencontrons en Suisse sont légions et, plus précisément, ici, dans le canton de Genève. L’internement à vie sera l’un des thèmes abordés.
La psychiatrie n’est de loin pas une science exacte, je pense que cela ne le sera jamais et les avis des psychiatres resteront aléatoires. Bref...
Parallèlement, sur les bords du lac Léman, nous observerons - sans trop nous faire remarquer - des personnes qui s’adonnent à des pratiques douteuses dans des accoutrements douteux. Cela se passe de nuit, discrétion oblige, et les activités de ces présumés névrosés paraissent assez violentes.
Que peut-être le ou les points communs entre un vol d’ossements dans les catacombes de Paris, un cadavre en putréfaction retrouvé dans la cave d’une habitation en vente dans la commune française Le Châble, près de Genève, ou encore des patients d’un hôpital psychiatrique qui disparaissent et, finalement, il y a 150 ans, à Morzine, ces hystéries collectives - convulsions, transes, délires, visions ou encore apparitions - qui ont mis le monde psychiatrique, politique et de l’Eglise à rude épreuve?
Pour ce dernier point, Les possédés de Morzine, - et cela ne rassure en rien -, Olivia Gerig n’a rien inventé ! Toutes les théories arrivèrent alors sur le tapis : sorcellerie, œuvre du Diable ou encore empoisonnement. Le mystère demeure encore aujourd’hui.
Le commissariat d’Annecy, qui croule sous ... pas grand-chose en cette période estivale, sera sollicité pour atteindre, puis démêler et finalement comprendre les circonstances de la mort de ce cadavre dans cette cave, carrément mise en scène. Belles paroles, facile à dire, je le conçois ! Car cela ne sera que les fondations d’une construction diabolique.
Dans son précédent roman, « L’Ogre du Salève », Olivia Gerig donnait l’occasion au commissaire Rouiller de prendre sa retraite. C’est donc chose faite et nous continuerons ici avec la jeune Aurore Pellet, du commissariat d’Annecy, que vous connaissez déjà si vous avez lu " L’Ogre du Salève". Légèrement diminuée et fragilisée par sa précédente enquête, elle devra faire face, à nouveau, à des faits particulièrement troublants. Rouiller à la retraite ? Pas sûr...
Premier constat, le même que pour le précédent roman, Olivia Gerig nous ouvre la porte à grands coups de pieds. Attention, j’entends par là que nous entrons facilement dans l’histoire. Son écriture est simple, dans le sens sans chichi, et l’auteure va droit au but. C’est très factuel et circonscrit, j’aime ça. Du moins, au début. J’y reviendrai.
L’être humain et ses faiblesses seront ici à l’ordre du jour. Qui dit faiblesse, dit abus. Profiter de la faiblesse des gens pour les manipuler comme de vulgaires marionnettes n’est pas non plus de la fiction. Olivia Gerig nous le prouvera avec une trame très bien amenée. Tout le monde peut se retrouver un jour dans un état de faiblesse, vulnérable et, du coup, être facilement désigné comme étant une proie potentielle.
Par cette histoire, Olivia Gerig nous démontrera comment on peut facilement « tomber dans le panneau », presque sans s’en apercevoir. En mettant en scène des personnages fort bien décrits - surtout au niveau mental ! -, nous pourrons que trop bien comprendre le phénomène.
Isoler les personnes, les retourner contre leur entourage ou encore les mettre sous pression, voici quelques techniques pour appâter du « gibier ». Tous les ingrédients sont ici réunis pour former les piliers d’une « secte » bien dégueulasse - pardonnez-moi le pléonasme ! L’auteure va aller encore un petit peu plus loin et faire apparaître dans cette histoire un mouvement collectif de grande envergure.
Allez, qu’est-ce qui me plaît moins ? Le contenu et les arguments sont top, rien à redire. Les personnages sont un solide pilier pour la qualité de ce polar, c’est indéniable. Par contre, au niveau du rythme, j’ai eu un peu plus de peine. J’ai « enduré » quelques passages poussifs, avec des informations dont je n’avais pas besoin, mais aussi quelques répétitions superflues à digérer.
partout
Je vous rassure, au niveau de la digestion, mon estomac s'est rétabli vers les 3/4 de l’ouvrage. En arrivant vers le dénouement, nous comprenons que cette enquête est une impasse, malgré sa silhouette tentaculaire. Vu les implications, ça sent le blackout à plein nez.
Les éléments réunis petit à petit indiqueront une direction assez claire et, surtout, obligeront les protagonistes de cette histoire à adopter un comportement tout aussi clair : ne faire confiance à personne.
L’élément intéressant sera justement pour moi le fait que nous ne pouvons nous fier quasiment à personne. Le ver est dans la pomme ; non, en fait, le ver destructeur est quasiment partout et la pourriture va s’accrocher à chaque coin de rue.
Lorsque toutes les couches sociales et les « décideurs » sont impliqués jusqu’à la moelle, ça vient très difficile d’avancer.
Une bonne intrigue, très bien écrite, - tout de même assez prévisible -, qui nous donne un bon aperçu sur les sectes et ses dérives.
Un dénouement qui se termine par une « virgule », et non un « point ». Affaire à suivre !
Bonne lecture.