Malfront, les fantômes de la combe, de Gérard Coquet - Un petit chef-d'oeuvre!!
Malfront - Les fantômes de la combe
Gérard Coquet
In Octavio Éditions / 2011
359 pages
Quel exercice de style ! Voilà une œuvre qui ne se gobe pas d’un seul coup, mais qui se déguste gentiment, sans se presser, en considérant et en appréciant chacun des mots.
Une chose est sûre et non négociable : Gérard Coquet sait raconter des histoires ! Quelle richesse dans ses mots ! L’auteur nous livre ici une histoire écrite avec une plume trempée dans de l’encre dorée. Les mots choisis, les termes utilisés ou encore les tournures employées donnent une belle consistance à ce récit. Le vocabulaire à lui tout seul s’apparente à du grand art, car l’auteur emploie des termes propres à la région lyonnaise et en phase avec les époques dans lesquelles nous évoluons.
La violence des mots, dépeignant quelques scènes crues, dures ou cruelles, est maîtrisée, calculée et transmise d’une manière adroite. Cette histoire démarre à la fin du 18ème siècle et, à cette époque, il faut admettre que la vie, d’une certaine manière, était un peu plus brute qu’aujourd’hui ! L’auteur nous lâche cette violence des Hommes avec beaucoup d’éloquence.
Nous sommes à Martebrun, dans la région lyonnaise, une cité médiévale renfermant bien des secrets. Surplombant ce village aux légendes et aux malédictions plutôt effrayantes, un solide chêne continue de compter les siècles qui se succèdent dans ce patelin. Témoin par excellence, c’est lui qui nous narrera cette histoire, depuis son enfance, lorsqu’il n’était qu’un gland - soit depuis la fin du 18ème siècle !
De l’humour subtile, au franc-parler en passant par de croustillants propos ou sous-entendus salaces, cette vieille branche va nous tirer à travers les siècles pour nous expliquer pourquoi ce village, plus particulièrement sa combe de Malfront, est si particulier et engendre tant de morts.
Les personnages de ce conte - on peut qualifier cette histoire de conte -, avec leur langage du cru ou encore leur âme malmenée et manipulée, vont nous présenter les subtilités de cette région qui pourrait s’apparenter à « l’antre du diable ». Les croyances sont ici très fortes et très respectées. Les croyances sont parfois très dangereuses.
Dans ce Lyon du 18ème siècle, en pleine répression, on n’a pas pour habitude de se laisser faire. Le sang coule à flot, les chairs s’envolent, arrachées par les balles, les guillotines frappent sans répit et, parmi ces ravages, une jeune nonne, Marceline, arrive à Martebrun, tout droit dans la combe de Malfront. Dieu tentera alors d’affronter le diable, en vain...
Marceline, déviée de sa voie pure et sainte par une âme néfaste, va accoucher d’un petit nommé Georges. L’histoire, contée par notre arbre bien bavard, va alors défiler sous nos yeux, à travers les années, en laissant derrière elle bien des souffrances, des décès tragiques mais aussi des naissances nécessaires.
Entre malédictions et sorcelleries, dans un climat de guerre et de révolte, Gérard Coquet nous donne ici l’occasion de défier le temps en traversant plusieurs centaines d’années, toujours en gardant un œil sur la combe de Malfront.
Traverser toutes ces années nous donnera l’occasion de côtoyer l’Histoire de près, avec notamment ses deux grandes Guerres. Gérard Coquet, avec une grande sensibilité, nous la présentera d’une manière animée, vivante, sur un fond de réelles émotions.
C’est de nos jours que nous allons croiser le commissaire Marcel Pauvert - plutôt peau rouge, vu le choix de ses consommations liquides ! -, flic à Lyon. Et c’est vers Martebrun que son gros pif va se tourner. Quelques cadavres ramassés dans la région lyonnaise semblent indiquer le petit village médiéval comme étant le centre névralgique de l’enquête.
Après la séquence historique, nous passons à la séquence polar ! À ce propos, encore une fois, je félicite l’auteur pour son aptitude à calquer son style et son écriture sur l’époque dans laquelle on évolue !
Nous sommes toujours dans le même village, avec quelques habitants en moins, - étant donné qu’on se donne de la peine pour en éliminer. L’ambiance de village est magnifique : racontars, méfiances, non-dits, engueulades, jalousies, rumeurs, cul, beuveries et amitiés. Les flics de Lyon venus enquêter dans ce patelin devront s’adapter la moindre !
L’enquête, se déroulant dans une ambiance sincèrement envoûtante et magnétisante, nous conduira vers un dénouement subtil, complexe et fascinant.
Les personnages de cette histoire, attendrissants pour certains, vont rester gravés dans ma mémoire. Leur sensibilité, leur complexité ou encore leur épaisseur m’ont apporté une réelle émotion.
L’être humain et son cerveau qui tourne certainement à trop haut régime, encore une fois, sera la cause de cette tourmente, évidemment. Quelle complexité dans cette caboche ... Non ?
Bonne lecture.