Sœurs, de Bernard Minier --- La hantise d'un écrivain!
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Sœurs
Bernard Minier
XO Éditions / 2018
460 pages
Je ne vais pas vous faire l’affront de vous présenter Bernard Minier. Cet auteur, pour moi, fait désormais partie des incontournables du thriller. Je vais plutôt me borner à vous présenter son dernier ouvrage, Sœurs.
Il faut savoir que dans l’ensemble, les thrillers de Bernard Minier nous offrent, à chaque fois, une particularité non négligeable et carrément vitale pour moi : un décor aéré et étouffant à la fois, ainsi qu’une atmosphère intrusive, soit une ambiance qui nous prend à la gorge. Celle-ci endosse carrément le rôle d’un personnage à part entière ! Et, je peux vous le certifier, cette place de vedette n’est de loin pas volée et franchement méritée.
J’en profite pour mettre en avant un autre personnage tout aussi prenant : Martin Servaz, de la PJ de Toulouse. Un protagoniste récurrent que nous connaissons à présent - presque - bien. Une particularité chronologique que nous aurons l’occasion de découvrir dans cette histoire, par rapport à lui, va s’avérer être intéressante : nous attaquons cette enquête en 1993 et, à cette époque, Servaz débute sa carrière à la PJ !
Pour les lecteurs qui ont eu l’occasion de côtoyer ce flic à de nombreuses reprises, cet aspect permettra de vivre plus intensément ce personnage, de le connaître davantage et de partager ses peines en live. Les démons du passé, que nous lui connaissons, vont se mélanger aux douleurs du « présent ».
Martin Servaz est un personnage complexe, à l’âme tiraillée et malmenée, qui reste sur certains aspects assez mystérieux. Dans cet ouvrage, beaucoup de portes, - qui sont restées closes ou juste entrouvertes pour certaines -, vont s’ouvrir un peu plus, quelques-unes en grinçant quelque peu.
Mis à part ça...
L’ambiance qui nous accueille ici est sombre, rassurante et angoissante à la fois. Nous sommes en 1988, dans une forêt, au crépuscule, en compagnie de deux adolescentes. Ces deux sœurs ont décidé de rencontrer leur mentor : l’écrivain Erik Lang, un auteur à succès à la plume scabreuse, obscène et violente. Il est important de savoir que son plus grand succès, un best-seller, s’intitule « La Communiante ».
Ces deux jeunes filles vont être retrouvées mortes sur une île, au centre de Toulouse, chacune attachées à un arbre, face à face, habillées en ... communiantes. Nous sommes en 1993. C’est le jeune Martin Servaz, avec le groupe Kowalski, qui se collera à cette enquête et qui, par la même occasion, va entrer définitivement dans toute la noirceur que peut offrir notre monde de tarés.
L’enquête sur la mort des deux filles est claire, précise et surtout très réaliste. Sa chronologie, son rythme et la matière qui en découle sonnent juste et fort. Le volet de l’enquête qui a trait à la recherche de la personnalité des victimes est brillant. Le voile opaque qui les dissimulait au départ et qui est soulevé petit à petit par les enquêteurs ne révèlera pas forcément ce que l’on croyait ou ce que l’on pensait. C’est souvent le cas non ?
Martin Servaz, jeune flic sans expérience, va faire montre d’une grande capacité de déduction et d’adaptation face à une enquête complexe et sombre. Mais bon, ça, on le savait déjà !
Nous avons certainement toutes et tous des choses à cacher dans la vie. Rien de mal, juste un jardin secret qu’on essaye de cultiver en toute discrétion. Par contre, la surface de ce jardin et son contenu changent d’une personne à une autre. Ici, certains personnages auront pas mal de matière à fournir aux enquêteurs en termes de secrets !
L’auteur va capter toute notre attention en mettant en scène des personnages, - morts ou vivants - qui, au fil de l’enquête, vont fournir beaucoup d’énergie pour rester dans le secret le plus total (surtout les vivants OK). Nous aurons dès lors beaucoup de mal à rester stoïques face à tant de zones d’ombres que nous souhaiterions voir être éclairées rapidement.
L’auteur joue méchamment avec nos nerfs en nous servant des coupables plus ou moins innocents ainsi que des personnes qui n’ont pas grand-chose à se reprocher mais que tout accuse. Les nerfs des membres du groupe crim en charge de l’affaire vont également être mis à l’épreuve. Certains d’entre eux vont nous montrer plus ou moins ce qui fonctionne ou pas, ce qui est tolérable ou non, bref, un condensé de mesures sensées conduire à des résultats. Tous les moyens sont bons, tout n’est pas bon à prendre...
C’est de nos jours que nous allons poursuivre cette enquête qui a démarré vingt-cinq ans auparavant. D’évidentes similitudes vont rapidement être découvertes entre les deux époques. Servaz est toujours là, avec un gros bagage supplémentaire mais aussi de lourds fardeaux à porter sur son dos. Les faux coupables et les innocents pas si blancs que ça seront aussi et toujours là à zigzaguer entre nos jambes, tels des serpents sur les nerfs.
Un auteur face à son ou ses fans sera une interaction importante dans cette histoire. Être fan ou fanatique n’est évidemment pas la même chose et cela n’aboutit pas toujours aux mêmes résultats. C’est dans les romans de ce roman que certaines réponses vont apparaître.
Fiction dans la fiction, nous voilà bien dans la mélasse ! Bernard Minier nous fera croire - ou alors est-ce le cas ? - qu’un auteur de fiction est un bon menteur et un manipulateur. Mais finalement ce sera un peu plus complexe que cela, je vous rassure.
Le dénouement est d’une remarquable subtilité, bien qu’il se révèle, paradoxalement, assez logique. La subtilité demeurera dans les détails de cette intrigue.
Pour conclure, je souhaite à Bernard Minier que cette histoire reste, dans l’ensemble, une pure fiction. Mais l’ayant tout de même imaginée et écrite, il doit vraisemblablement y penser de temps en temps ! Vous comprendrez cette remarque une fois la lecture achevée.
Bonne lecture.