La chance du perdant, de Christophe Guillaumot --- Impeccable!

Publié le par Paco

La chance du perdant
Christophe Guillaumot

Éditions Liana Levi / 2017
334 pages

Après « Abattez les grands arbres », Christophe Guillaumot, pour notre plus grand plaisir, remet en scène Renato Donatelli, ce grand black tout en muscles, flic à Toulouse. Surnommé le Kanak, ce natif de la Nouvelle-Calédonie - qui rêverait d’y retourner - est un flic droit, honnête et réglo, qui n’hésite pas à mettre quelques baffes éducatives pour faire avancer les choses.

Après une enquête difficile et plutôt tourmentée - à suivre dans Abattez les grands arbres -, le Kanak et le jeune lieutenant Jérôme Kussac ont été mutés à la brigade des courses et jeux. Il s’agit d’un secteur de la police qui lutte contre les infractions liées aux jeux d’argent. À ce poste, difficile de faire beaucoup de remous, d’où leur mutation. Mais là encore, c’est mal les connaître ! Même dans cette brigade, surtout si le Kanak est dans les parages, on peut encore faire du zèle et des remous à répétition.

D’autant plus qu’un individu, visiblement lié au monde du jeu - un compulsif ! -, vient d’être retrouvé déchiqueté, réduit par un compacteur à déchets. Un suicide, affaire classée. Mais voilà, lorsque le Kanak s’en mêle, sans qu’on ne le lui demande vraiment, tout reprend et devient compliqué. Compliqué, mais juste. La brigade va d’ailleurs prendre de l’ampleur - de la grandeur ! - d’une manière assez inattendue ! Je ne sais pas si c’est très réglo, mais c’est efficace.

Christophe Guillaumot nous lance rapidement au cœur de son histoire avec des arguments assez convaincants. D’une part, son écriture brute, froide et coupée finement, donne un ton qui ne nous lasse jamais. D’autre part, l’intrigue, simple, en accélération constante, a l’avantage de nous faire avancer sans trop nous faire prier.

Je pourrais encore parler des personnages, qui sont authentiques et vrais. Le côté humain est fort, très présent et donne un résultat que j’aime voir dans un polar : beaucoup de réalisme. Je pourrais encore vous parler de la qualité de l’intrigue par rapport à l’aspect professionnel. L’auteur, flic, a une approche très pragmatique vis à vis de l’enquête.

Christophe Guillaumot nous propose de suivre une trame principale, bien entendu, mais nous aurons aussi l’occasion de prendre quelques embranchements qui nous conduirons vers de petits sentiers qui lient quelques personnages à des affaires annexes, voire vers des soucis personnels. Ces chemins de traverse nous permettront justement d’observer le côté humain des personnages. Par rapport à ça, nous aurons la désagréable tâche d’être témoins de la dégradation psychique d’un bon flic, ou encore d’une lente descente vers le « côté obscur » d’un autre bon élément.

Quant à la trame principale, elle va nous conduire vers des endroits glauques ou clinquants. Elle nous ouvrira des portes qui mènent vers un univers de tricherie, d’argent et de paris. En ces lieux de débauche, nous rencontrerons des protagonistes hauts en couleurs, elles-mêmes composées de tons délavés, de notes avariées ou de teintes qui font mal aux yeux et qui nous donnent mal à l’estomac : le monde du jeu fait parfois vomir.

L’enquête permettra de mettre à jour des pratiques extraordinairement immorales et mortelles perpétrées sur des gens pourtant ordinaires. Leur principale tare : être accroc au jeu et devenir ainsi dépendant, dans tous les sens du terme.

Ça va aller loin, très loin, allez... trop loin. Pour le Kanak, qui est allergique à l’incivilité, mais aussi aux factures majorées d’éléments pourris, tels que des flics corrompus, la soupape de la raison va exploser assez facilement.

Le « mal absolu » ne sera pas forcément là où vous le situez au premier abord. L’auteur nous conduit vers un piège bien préparé, duquel nous ne pourrons plus vraiment ressortir. Pour nous, lecteurs, c’est encore gérable ; pour certains personnages, c’est la mort assurée.

Le dénouement déchire, déchiquette et nous broie. Ce ne sont pas toujours les plus honnêtes qui gagnent complètement. Soit, je vous l’ai dit, c’est très réaliste et dans la réalité, le « bon » n’est pas toujours gagnant. Ça serait bien trop facile.

Si vous pensez qu’en vous disant cela, je vous dévoile la fin, vous n’y êtes pas.

Bonne lecture. 

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