L'âge de l'héroïne, de Quentin Mouron --- de la poésie noire et salace!

Publié le par Paco

L'âge de l'héroïne
Quentin Mouron

Éditions de la Grande Ourse / 2016
135 pages

Cet ouvrage fait partie des dix livres sélectionnés pour le prix du meilleur "polar" romand qui sera décerné lors du salon du polar à Lausanne, "Lausan'noir".

On entre dans ce bouquin comme on entre dans une pièce non climatisée, en plein mois d'août, lors d'une période de canicule: c'est assez lourd. Dans un premier temps, je n'arrive pas à être en phase avec l'auteur, avec son style d'écriture.

Après quelques pages tournées en plus, cette lourdeur se transforme, je l'avoue, en une jolie subtilité d'écriture. J'aime le côté apathique, flegmatique et surtout détaché du personnage principal. Cet homme, tout de même complexe, est très factuel et doté d'une grande insensibilité. Du coup, la trame prend de la légèreté et on avance.

Franck, la quarantaine, détective privé "en pause", est un fatigué de la vie, rapidement blasé de tout. Émoussé, carrément affaibli par un monde qui l'use au fil des années, il trouve l'inspiration dans les livres anciens, précieux, dans la littérature noble et convoitée. Il se qualifie lui-même de bibliophile, un drogué des reliures et des vieilles pages remplies par des anciens.

C'est également un drogué tout court, étant addict au reniflements des narines.

Son envie de revenir aux affaires va être évidente pour lui lorsqu'il découvrira la tête ensanglanté de sa libraire servie sur un plateau d'argent. Il démarrera l'enquête immédiatement. Cette affaire restera juste un détail et annonciatrice d'un sérieux manque de flair pour le détective. 

Sa reprise de service le conduira sur une autre affaire, à Tonopah, dans l'état du Nevada, aux Etats-Unis. Une petite ville délabrée au milieu du désert, issue d'un passé constitué de petites frappes adeptes d'alcool, de drogue, réglant les problèmes à coups de poing, de pelles, de couteaux, voire à coups de fusil. Sa mission, mandatée par un membre d'un gang de motards pas vraiment catholique, - des anges!-, sera liée au milieu des stupéfiants.

Les personnages sont très noirs, démoralisants et démoralisés. L'auteur leur donne une bonne dose de caractère, peut-être est-ce tout simplement tout ce qui leur reste. J'aime ces personnages cassés, debout et la tête haute par la force des choses, même s'ils sont pourris et brisés de l'intérieur. En équilibre, ils ne savent pas trop de quel côté ils vont tomber, et nous non plus.

Ce récit est un condensé de personnes détruites. On ne peut pas dire qu'elles ont tout perdu, car elles n’ont pas gagné grand-chose. Tout ce qu'elles possèdent, ce sont soit des fiertés pas tout à fait claires, de la vengeance dans le crâne ou encore l'impression d'avoir fait un jour quelque chose de valable, et encore.

J'aime également l'ambiance de cette petite ville pourrie d'Amérique profonde, avec ses habitants qui inspirent pas mal de choses, à part la confiance.

Ce récit relativement court nous conduit finalement en très peu de temps vers un dénouement qui garde une constance liée à toute cette histoire: peu d'espoir.

En tournant les pages de ce livre, vous n'aurez pas de grands rebondissements à affronter, ni d'énigmes à résoudre, et encore moins une intrigue minutieuse à dénouer, vous serez en revanche face à des personnages captivants qui vous conduiront malgré eux vers une déchéance certaine. Et encore, ils gardent toujours espoir, à tort ou à raison.

L'écriture est un amoncellement de paradoxes. Poétique, noire et salace, ou encore subtile, habile et déjantée. Une certaine aisance se fait bien ressentir, une belle maîtrise des mots. Je ne connaissais pas cet auteur, mais ce style doit vraiment être son truc! C'est efficace, cela m'a conquis. 

À découvrir.

Bonne lecture.

Publié dans Littérature suisse

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A
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P
Merci. Ok ça marche