Eunoto, de Nicolas Feuz --- A tomber sur le cul!

Publié le par Paco

Eunoto - Les noces de sang
Nicolas Feuz

TheBookEdition / 2017
391 pages

L'une des particularités de ce polar est que l'intrigue se déroule dans les sept cantons romands, dont Fribourg. Je suis de Fribourg... :-)

On démarre avec un prologue intéressant, surprenant même, qui nous laisse déjà avec bien quelques questions. Nous sommes dans une chambre d'hôtel, à Lavey-les-Bains, et nous sommes témoins de mariage et d'une mort violente... 

Nous changeons ensuite de canton et nous débarquons à Neuchâtel. Et là, c'est de l'action à grande échelle: une prise d'otages bien particulière est en cours. Je n'entrerai pas dans les détails, mais par rapport au statut des auteurs c'est, selon mon jugement, la plus difficile et la plus délicate. Les intervenants risquent d'avoir du répondant! Ce fait divers a l'avantage de nous mettre en condition.

Allez, nous nous rendrons encore à Genève, où un vol par effraction se soldera par une mort violente et particulièrement gore, visant la police.

Dans l'ensemble, Nicolas Feuz nous baladera à travers toute la Suisse romande, sur plusieurs affaires, tout en faisant référence, au gré des chapitres, à plusieurs problématiques ou dysfonctionnements liés à la police. Je citerais par exemple les attaques ridicules et grotesques d'avocats envers les forces de l'ordre, lors de procès, histoire de se faire un nom, une place ou une réputation de merde, c'est au choix.

Un tueur en série, croulant à la prison de Bochuz, surnommé "Le monstre de Saint-Ursanne", fera parler de lui dans cette histoire. Cela permettra encore de mettre en avant un phénomène qui n'est finalement pas si rare: l'engouement de certaines femmes, souvent faibles, tombant amoureuses de grandes pourritures qui purgent leur peine en tôle.

Nous devrons, lors de cette intrigue, jongler avec plusieurs quilles, à savoir des meurtres barbares, dont les corps décapités de jeunes filles seront découverts dans les cantons de Neuchâtel et de Fribourg, ou encore le fameux meurtre commis à Lavey-les-Bains, dans le canton de Vaud, impliquant deux étonnants tourtereaux, et enfin ce troublant vol de matériel médical commis aux HUG, à Genève, suivi d'un assassinat plutôt violent, spontané et désespéré.

Tout ceci sans compter la présence de ce violeur et tueur en série, mis hors circulation, mais qui semble déranger et secouer le milieu judiciaire. Ce volet-là sera primordial dans cette histoire. Un volet qui, poussé par une bonne rafale de vent, nous éclatera à la gueule et nous fera douter sur plusieurs aspects de la justice. Les conséquences pour certains protagonistes risquent de faire autant mal.

Ces quelques quilles, bien glissantes, auront tendance à nous échapper plusieurs fois des mains, raison pour laquelle nous serons contraints de les tenir plus fermement afin de les placer les unes à côté des autres, dans le bon ordre, pour obtenir une suite logique et un point commun. Car un point de convergence, il y en a forcément un. L'auteur va bien évidemment se charger de nous conduire à la bonne place pour que nous puissions le découvrir et l'apprécier. (Le point commun, pas l'auteur...).

Nous aurons également l'occasion de suivre, au gré des chapitres, un CT - écoutes téléphoniques - dans le cadre d'une affaire de trafic de cocaïne - surtout ses ramifications - transitant entre la Camargue et Neuchâtel. Si vous avez lu Emorata, de Nicolas Feuz, vous saurez de quoi je parle. Mais là, vous ne saurez pas de quoi on parle!

Pour dépatouiller tout ceci, nous pourrons compter sur le jeune inspecteur Mike Donner, que vous avez déjà rencontré si vous connaissez l'univers de Feuz. Cette tête brûlée - qu'il a bien sur ses épaules -, sera peut-être l'élément qui va faire la différence et du coup faire avancer les choses. Sans oublier sa coéquipière et amie Lara, du groupe d'intervention, plus survoltée qu'une centrale électrique à Las Vegas. 

Ces deux personnages, mis ensemble, forment une bombe à retardement! La flamme et la mèche. Leur culot ne va pas rester vain.

Nicolas Feuz fait assez fort avec cette belle traversée des cantons romands. L'intrigue nous permet de nous familiariser avec chacune de ces régions, l'auteur nous donnant pas mal de détails pertinents. L'entraide judiciaire entre les différentes polices cantonales sera souvent mise en avant dans cette intrigue. On remarquera que ce n'est pas toujours une grande histoire d'amour.

Le rythme ne perd que rarement son plein potentiel et l'histoire va vite. Feuz ouvre une multitude de brèches qu'il faudra, bien entendu, refermer avec habilité et, surtout, crédibilité.

La crédibilité sera au rendez-vous, l'habilité aussi, mais je rajouterais encore la stupéfaction. Je me suis fait duper, c'est certain. Ce n'est pas un revirement total comme dans "Horora borealis" ou dans "Les Bouches", mais plutôt une bonne subtilité dans une trame tout de même linéaire. Non allez, je suis obligé de reconnaître que je suis tombé sur le cul, et sur du dur!

L'enquête est très dense, complexe, mais nous conduit d'une manière fluide jusqu'au dénouement. Si vous vous posez les bonnes questions, si vous êtes attentifs et si vous vous faites les bonnes réflexions, alors vous pourrez peut-être dénouer les choses avant le terme. J'y suis presque arrivé, mais presque cela ne compte pas... 

Au terme de ce polar, nous pourrons légitimement nous poser quelques questions: la douleur et la violence qu'on nous a fait subir peut-elle nous transformer en monstre? Ou encore: la justice des hommes est-elle sans faille? Et pour finir: peut-on se permettre de juger nous-même le sort d'une personne? À méditer... 

Le dénouement finira de nous anéantir. Là, je ne m'y attendais pas du tout. Je ne dirai rien à ce sujet, j'en suis encore un peu secoué! Merde c'est moche! Je peux peut-être juste vous dire: attendez-vous à la suite qui risque de faire très mal. 

Bonne lecture. 

Publié dans Littérature suisse

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L
Je n'ai jamais lu cet auteur à propos duquel je lis pourtant de bonne critiques. Allez, je note ce titre.
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